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12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 09:13

Dans les dernières lignes de ses "Sept piliers de la Sagesse", Thomas Edward LAWRENCE écrit ceci  :

"Super flumina Babylonis read as a boy had left me longing to feel myself the node of a national movement." 

Au début, je me demandais s'il citait le début du psaume lui-même ou le titre d'un ouvrage éponyme.

Cet incipit du psaume 137 (Sur les bords des fleuves de Babylone ...) lu par Lawrence étant jeune lui aurait laissé l'ardent désir d'être à l'origine d'un grand mouvement national de libération. Ce fut là, poursuit-il, le troisième des mobiles les plus puissants qui l'avaient poussé à l'action après un motif purement personnel non révélé dans son livre et une volonté farouche de gagner la guerre.  

Le psaume 137 est le chant d'exil des Hébreux à Babylone sous Nabuchodonosor après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple de Salomon.  Ils pleurent au souvenir de Sion et suspendent leurs harpes aux branches d'arbre pour ne pas chanter leurs cantiques comme leurs vainqueurs leur demandent alors qu'ils sont prisonniers en terre étrangère.  Elégie funèbre sur Jérusalem et aussi malédiction prononcée contre les Babyloniens et leurs enfants en terme très brutaux.  

Mais personnellement je ne voyais pas là le rapport avec la naissance d'un mouvement de libération mais plutôt une douloureuse résignation paraissant l'exclure.

Cette déportation des Juifs (Galuth Babel en hébreu) pour la plupart des élites qui eut lieu en 586 avant JC devait prendre fin quelque soixante dix ans plus tard après la prise de Babylone elle même par les Perses et que l'empereur Cyrus II eût libéré les Juifs les incitant à regagner leur pays et y reconstruire leur Temple.  

Ce fut le cas pour environ quarante mille d'entre eux, les autres installés et assimilés depuis dans le pays préférèrent y demeurer constituant ainsi pour ainsi dire la première diaspora.

Tout récemment, j'ai appris que par la suite, sous l'époque romaine, la Perse étant devenue province romaine, s'y produisit la révolte des exilés juifs restés à Babylone (Mered hagalouyot en hébreu) dans les années 115 - 117 après JC laquelle fut réprimée par le général romain Lusius Quietus.

Or on ne cite généralement que les deux guerres judéo romaines, celle de 66-73 après JC décrite et commentée par l'historien judéo-romain Flavius Joseph s'achevant à Massada, puis la révolte de Bar Kochva (Fils de l'Etoile) de 132 à 135 après JC en Judée.

Celle des exilés juifs ou de Quietus se situant entre les deux mais "à l'étranger" n'est pratiquement jamais évoquée, faute de sources y compris dans les antiquités juives.  Cette révolte devait pourtant atteindre les rives de la Méditerranée (Cyrène, Alexandrie, Chypre). 

Lawrence qui par ses immenses lectures et sa mémoire phénoménale était depuis tout jeune un grand érudit le savait-il ?  On peut penser que oui et qu'en évoquant Super flumina Babylonis il le faisait aussi de la révolte des exilés.

Pour autant cela n'éclairait pas complètement ma lanterne sur ce rêve de susciter un sursaut national, ce qu'il devait réaliser au Moyen Orient et en Arabie s'agissant des populations arabes sous occupation ottomane. A ce propos, il parle de vingt millions de Sémites.  la Palestine en faisait partie avec les communautés juives qui y étaient demeurés de tout temps, envers et contre tout, population qui s'était accrue et s'accroissait par l'arrivée d'Europe de l'Est de colons juifs fuyant les pogroms et les menaces antisémites des nazis.

Lawrence ne pouvait ignorer la naissance du sionisme (dès le début du Siècle des Lumières en fait) avec Léo PINSKER et les "Amants de Sion" , Théodore HERTZL avec la parution de son livre "l'Etat juif" en 1896 et à fortiori la déclaration Balfour en 1917 sur la création d'un foyer national juif en Palestine. 

Mais la transition entre l'exil des Juifs à Babylone et le rétablissement d'une souveraineté arabe en Orient, rêve de Lawrence, ne m'apparait toujours pas évidente.  

Alors il ne faut peut être pas aller chercher plus loin avec cette citation : les deux grands fleuves de Mésopotamie, le Tigre et l'Euphrate, évoqués dans le psaume étaient venus lui rappeler que cette région d'où était parti Abraham et les siens pour la Terre Promise et où, plusieurs siècles plus tard, nombre de sa descendance revinrent en exil à Babylone, se trouvait occupée par les Turcs.  L'étudiant d'Oxford rêvait alors de changer la donne en Asie de son vivant ce que les temps qui s'annonçaient devait selon lui immanquablement précipiter.   

  

 

 

 

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