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"15000 miles in a ketch" by Raymond RALLIER du BATY
Le livre lui même est une aventure.
En 1910 le prince Roland BONAPARTE, président de la Société de Géographie, avait salué dans l' "Illustration" le
voyage aux Kerguelen de Raymond et Henri RALLIER du BATY et leurs quatre compagnons par ses mots : " Vous êtes des aventuriers du XVIème siècle égarés au XXème." Mais en France nul
éditeur ne s'intéressa à leur formidable aventure et aux carnets de bord qu'en avait rapportés Raymond R du B et ce sont les Anglais en la personne du journaliste Philip GIBBS qui le contacta,
l'invitant à venir à Londres où un garni serait mis à sa disposition pour y rédiger - mais en anglais - sa narration. L'année suivante paraissait aux éditions Nelson "15.000 miles in a
ketch" by Raymond RALLIER du BATY, récit circonstancié du périple du "Jean Baptiste Charcot" et de ses six hommes d'équipage, partis de Boulogne sur Mer pour Melbourne via les
îles Kerguelen où ils séjournèrent quinze mois. Le succès fut immédiat tant à Londres qu'à Liverpool et Southampton, sans qu'aucun éditeur parisien ait crû bon de le traduire et éditer en
français. L'aventure et le nom de ces vaillants marins finirent donc par être oubliés dans leur propre pays. Ce n'est qu'en 1990 qu'un exemplaire de la parution anglaise découvert par
hasard chez un bouquiniste par un marin breton (Patrick CUDENNEC) tomba entre les mains d'un lecteur qui en comprit tout l'intérêt, le faisant traduire et publier aux Editions Maritimes et
d'Outre-Mer (Rennes), division des Editions Ouest-France, collection "longs cours". Justice était enfin rendue à ce grand livre de la littérature de mer, à son auteur
et à ses courageux équipiers.
Or nous avons la chance d'avoir dans les rayons de notre Médiathèque "bénédictine" un exemplaire de cette édition en français intitulée "Aventures aux
Kerguelen".
Je viens de le lire. J'en reste sous le charme.
L'auteur prévient son lecteur (et même s'excuse auprès de lui) qu'il a écrit ce livre en modeste marin, sans aucune prétention littéraire, s'attachant
essentiellement à rapporter les choses vues et les évènements vécus, livre se voulant être tout autant celui de son équipage auquel il rend le plus grand hommage. Personnellement - et bien que
j'aurais aimé le lire dans sa version originale c'est à dire en anglais - je trouve cette appréciation bien trop modeste, le mettant à la hauteur d'un Daniel de Foe ou d'un Washington
Irving.
Raymond RALLIER du BATY était né en 1881 à Lorient, deuxième fils d'une bonne famille bretonne dont le père était capitaine de vaisseau et l'oncle amiral (un
ancêtre, Toussaint-François, avait été maire de Rennes pendant 37 ans sous Louis XV). Tombé dedans en quelque sorte. Après de bonnes études classiques chez les Jésuites, ses parents le
voulaient magistrat (ayant déjà leur premier garçon, Henri, engagé dans la Marine nationale) mais depuis l'enfance Raymond avait la mer pour objectif, voire obsession. A dix huit ans, comme son
père lui faisait remarquer que c'était un peu tard pour lui d'entrer dans la Marine nationale, il répliqua que çà ne l'était pas pour la Marine marchande. Or il existait à l'époque comme un
fossé entre ces deux marines (tenant à ce mot de "marchande") d'où la désillusion du père. Raymond fit néanmoins son service militaire dans la marine à bord du cuirassé "Brennus" sur
lequel il doubla le Cap Horn. Puis, après avoir obtenu son diplôme d'officier de marine marchande, il cherchait à s'engager sur un navire quand un article de presse attira toute son
attention. On était en 1903, année où le commandant Jean-Baptiste CHARCOT (qui était aussi médecin) préparait une expédition polaire. Usant de sa plus belle plume, Raymond proposa ses
services mais on le trouva trop jeune, pas assez expérimenté. Qu'à celà ne tienne, faisant jouer les relations de son oncle amiral il finit par se faire accepter à bord du
"Français" comme simple matelot. Ce voyage aux confins des terres australes devait s'éterniser deux ans au cours desquels Raymond R du B se révéla parfait coéquipier, de toutes les
corvées comme de toutes les missions, curieux de tout, inventif, enthousiaste. CHARCOT l'avait tout de suite remarqué et devint par le fait son mentor.
De retour en France, il entra dans la Compagnie Transatlantique et en 1907 fut reçu capitaine au long cours. Mais en fait il ne se voyait pas
naviguant dans les fonctions ordinaires de ce poste. L'aventure maritime vers les terres lointaines l'attirait plus que jamais. Il rêvait de monter lui même une expédition vers ces terres
australes qu'il avait déjà entrevues, inhabitées mais dont on pouvait tirer profit à l'instar des Anglais aux îles Malouines. Il s'informa, se renseigna tout azimuth, parvint à convaincre son
frère Henri de participer à son projet d'expédition, entre en contact avec les frères Bossière dont j'ai déjà parlé à propos des TAAF et à qui l'état français venait d'accorder une concession de
cinquante ans sur les îles Kerguelen, Crozay, St Paul et Amsterdam. Il n'entendait pas du tout faire de ce voyage une simple escapade mais faire oeuvre utile en participant avec ses moyens et à
sa manière au progrès de la géographie et de la science, en fidèle héritier du commandant CHARCOT. D'ailleurs celui-ci usera de son influence auprès des organismes d'état pour qu'il soit
commandité par eux ainsi que par la Société de Géographie en la personne de son vice-président, Jules GIRARD.
En attendant il lui fallait trouver un bateau, à sa convenance et aussi celle de sa bourse. Il partit donc écumer les ports à la recherche de la perle
rare. Ce sera le "Sacré Coeur de Jésus" un ketch de vingt mètres, passablement endommagé mais à la coque saine, nécessitant évidemment de couteuses réparations au financement
desquelles la famille RALLIER du BATY allait contribuer.
Une fois remis en état, Raymond voulut débaptiser le ketch pour l'appeler du nom de "Jean Baptiste CHARCOT" en reconnaissance du disciple pour son
maitre.
C'est en septembre 1907, de Boulogne sur Mer, port d'attache de l'ex "Sacré Coeur de Jésus", que s'élança le "J.B. Charco" avec à son bord
:
Henry RALLIER du BATY, 27 ans, breton, capitaine
son frère cadet Raymond, 25 ans, breton, second
Jean BONTEMPS, 43 ans, basque, bosco
Léon AGNES, 22 ans, normand, matelot
Eugène LAROSE, 18 ans, normand, matelot,
Louis ESNAULT, 16 ans, normand, cuistot
plus un chien et un chat.
pour une navigation qui devait durer près de deux ans (jusqu'à fin Juillet 1909).
Un bateau petit mais très robuste, un équipage réduit à l'équilibre des quarts de jour et de nuit mais à l'étroit, des vivres en suffisances pour atteindre les
terres australes. L'expédition ne payait pas vraiment de mine mais, après un incident lors d'une escale imprévue à Brixham sur la côte anglaise, ils commencèrent à tailler une belle route
vers le sud, vers Rio de Janeiro qu'ils atteignirent d'une traite et sans avoir croisé d'autre bateau qu'un grand voilier, l' "Australia" au passage de la ligne.
Ils restèrent 12 jours à Rio pour se réapprovisionner en eau et fruits frais avant de repartir le 1er janvier 1908 cap au sud-est direction les îles Tristan da
Cunha. Celles-ci (la Grande Île, l'île Inaccessible et l'île Nightingale) font partie d'une chaine sous-marine partageant l'Atlantique parsemée de volcans, ceux de Tristan da Cunha,
Sainte-Hélène, Ascension et Saint Paul sont éteints depuis très longtemps mais en sommeil seulement à Ténérif et aux Açores, toujours en activité en Islande. Tristan da Cunha fut découverte
par le Portugais du même nom au XVIème siècle. Les premiers à y séjourner furent des phoquiers. En 1815 les Anglais en prirent possession au nom du roi George III en tant que
dépendance du Cap de Bonne Espérance et y établirent une garnison pour prévenir toute tentative de faire évader Napoléon Ier retenu prisonnier sur l'île Sainte-Hélène. Quand celle-ci leva
le camp après la mort de l'Empereur, quelques hommes préférèrent rester sur place et y furent bientôt rejoints par les naufragés d'un bateau anglais jeté par la tempête sur l'île
Inaccessible. Ainsi se constitua le noyau d'une population de fermiers, éleveurs de moutons et de chèvres, de pêcheurs, d'apparence nullement misérable selon Raymond R du B.
Ayant repris la mer le 28 Janvier 1908 et une fois passé le méridien du Cap, le "J.B. Charcot " eut à affronter une succession de très mauvais temps, de
tempêtes énormes qui le mirent quelque peu à mal tout en tenant bon pourtant grâce à la maîtrise des hommes d'équipage mais le brave chien du bord (Patrick) lancé par dessus bord par une lame
devait périr noyé sous leurs yeux, presque une tragédie qui les plongea dans la tristesse. Progressant vers l'est, ils arrivèrent enfin le 4 mars 1908 en vue du pic de Croy dominant les îlots
rocheux appelés "îles Nuageuses" par Cook et faisant partie des Kerguelen.
Au fur et à mesure qu'ils s'en rapprochaient, Raymond R du B songeait non sans appréhension aux jours qui allaient suivre quand ils seraient à terre, seuls, livrés
à eux mêmes pour leur subsistance, face à de nouveaux dangers. Son équipage avait été irréprochable jusque là mais allait-il lui rester aussi fidèle, privé de compagnie, de distraction,
quand il aurait peut-être à repousser les démons de la mélancolie voire de la folie poussant au meurtre ou au suicide. Autre souci : l'aventure qu'allait être pour eux la chasse aux phoque,
comment allait-il s'en tirer alors qu'ils comptaient absolument sur elle pour en tirer un revenu avant de rentrer en Australie. Rechercher les endroits propices tout en assurant un bon
mouillage au bateau par ces temps exécrables si fréquents aux Kerguelen.
Et pourtant le petit groupe d'hommes demeura soudé, solidaire, tenace envers et contre tout, jusqu'à parvenir enfin à remplir la cale du "JB Charcot" de
tonnelets d'huile de phoque de première qualité, extraite de leurs mains, de leur sueur, de leurs souffrances, eux qui n'étaient pas du tout aguerris à ce genre de chasse. Raymond R du B
narre dans les détails ce qu'est cette chasse aux phoques et aux éléphants de mer à l'aide de massue à embout de fer, extrêmement dangereuse face à ces masses énormes qui ne reculent jamais et
qu'il faut frapper à la tête en prenant garde à leurs redoutables mâchoires. Le sang coule à flot des blessures, rougissant le sable noir et les galets. Et une fois le nombre de bêtes
abattus faut-il encore les dépecer, découper le lard en larges bandes destinées à être chauffées dans une grande cuve pour les transformer en huile. L'odeur est de plus épouvantable,
s'insinuant partout. Pour le chauffage de ces cuves on trouve aux Kerguelen des filons de charbon à fleur de terre, de plus ou moins bonne qualité, de sorte que les six hommes devaient
régulièrement s'armer de pics et de seaux pour en faire provision. Pas de problème de nourriture grâce aux oiseaux marins et à leurs oeufs, aux lapins, aux moules, aux poissons et au "chou
des kerguelen" qu'il faut faire bouillir en deux fois et dans deux eaux pour l'attendrir. Pas d'avantage pour l'eau douce que l'on trouve partout.
A côté de ces activités de "phoquiers", Raymond et son frère Henri menaient des expéditions de découverte à travers l'archipel, retrouvant les traces d'occupation
d'anciens naufragés. Ces sorties sur une mer toujours mauvaise faillirent plus d'une fois se solder tragiquement mais leur bonne étoile veillait et peut être le "Sacré Coeur de Jésus"
dont le bateau avait d'abord porté le nom.
Et puis le jour arriva où ils aperçurent le panache de fumée d'un steamer. Après plus de dix longs mois de solitude c'était pour eux comme un message
d'humanité, de bonheur, si brutalement en fait qu'ils en furent sur le coup frappés de stupeur. Enfin ils allaient pouvoir manger autre chose, boire autre chose, se laver convenablement,
fumer (ils étaient à court de tabac, une torture pour certains) parler à d'autres gens, bref redevenir civilisé. Ce navire était la "Jeanne d'Arc " commandée par un
Norvégien transportant en pièces détachées une station de fonte de graisse de phoque et de baleine. Or, à son départ pour les Kerguelen, il avait été informé de la présence (probable) des
Français du "JB Charco" et les parents des frères Rallier du Baty lui avaient remis une lettre pour eux. Le "JB Charco" à son mouillage avait déjà été repéré par la "Jeanne
d'Arc" mais celui ci, vu l'état de la mer et l'étroitesse de la passe, avait poursuivi vers un havre plus approprié.
Un autre navire, un brick français, la "Carmen", arriva entre temps si bien que du coup la compagnie n'allait plus manquer aux six hommes du "J.B.
Charcot".
Après avoir fait un aller-retour jusqu'à Durban, la "Jeanne d'Arc" avait ramené un Français du nom de Bossière, celui-là même qui avait reçu du gouvernement français une concession de
cinquante ans aux Kerguelen.
C'est le 1er Juin 1909 que le "J.B. Charcot" chargé de ses précieux barils d'huile de phoque allait lever l'ancre et hisser les voiles, cap sur
l'Australie. Mais Henri, l'aîné, ne fut pas du voyage cette fois, souffrant depuis quelque temps d'une sorte de scorbut, trop malade pour affronter les risques d'une longue traversée dans
un si petit bateau. Il allait être rapatrié en France à bord de la "Jeanne d'Arc" qui devait repartir quelques jours plus tard.
Le 25 Juillet 1909 le "J.B. Charcot" entrait en baie de Melbourne et ainsi s'achevait l'aventure, à 15.000 milles de la France, près de deux ans après le
départ de Boulogne sur mer. Les hommes d'équipage étaient bien entendu très impatients de rentrer en France et, une fois payé sur la vente bon prix des barils d'huile, Raymond les fit
embarquer sur le bateau postal français, le "Nera" , mais lui devait rester encore cinq mois en Australie afin de négocier la vente de son bateau avant de regagner la France à son
tour. Après avoir vécu si longtemps et si étroitement avec ces hommes, affronté avec eux tant de périls, enduré tant de souffrances, mais connu aussi tant de moments exceptionnels, cette
séparation fut douloureuse et d'un coup Raymond se sentit très seul. Autre séparation pénible celle de son vaillant petit ketch et je vais ici le citer dans les dernières pages de son livre
où il rend, tant au bateau qu'à ses hommes, le plus bel hommage :
"... Je ne les ai pas revus depuis mais nous nous écrivons de temps en temps. Ces braves garçons, durs au travail et à la souffrance, m'ont tous servi
fidèlement, avec un courage indomptable. Ils ont été mes camarades pendant près de deux ans. Nous avons traversé ensemble bien des périls et vu la mort de près une bonne vingtaine de
fois. Bontemps, Agnès, Larose, Esnault, vous êtes les héros de mon histoire. Je penserai toujours à vous avec affection et
gratitude. Grâce à ce livre, vos noms et vos actions sont à jamais inscrits au tableau d'honneur. Mes bons amis, je vous quitte et où que vous soyez sur les vastes mers je vous serre
chaleureusement la main.
... Mais personne ne voulait du "JB Charcot" en dépit de sa bravoure et de son âme généreuse. Celà me faisait mal au coeur de le mettre en vente après
tant de loyaux services au milieu d'effroyables tempêtes et de baies constellées de récifs. Quand je parvins à le vendre, j'en tirai un prix misérable pour un si brave bateau. Cher
"JB Charcot", je ne sais pas où tu navigues aujourd'hui mais je me souviendrai de toi toute ma vie. Je connais la moindre de tes membrures, le moindre grain de ton bois. Je t'ai
durement éprouvé et jamais tu n'as failli. Mon fantôme et celui d'Henri et de l'équipage hantent ta petite cabine, ton pont étroit et tes entrailles. Mon cher bateau, la Providence
fasse que tu sois manoeuvré par des hommes qui t'aiment comme nous t'avons aimé. Parfois je pense que nous les hanteront qui qu'ils soient et où qu'ils aillent et que parfois ils entendront
la faible complainte d'un accordéon comme lorsqu'Agnès jouait le soir à l'île de la Désolation ou le bruit du moulin à biscuits de Larose et ma voix et celle de mon frère quand nous parlions
assis dans la petite cabine la carte de Kerguelen étalée devant nous."
Ce double hommage aux hommes et au bateau est émouvant dans sa sincérité, même pour le terrien que je suis mais ayant une admiration sans borne pour ces hardis
navigateurs. Ce sont en réalité des hommes à part car, comme le disait Socrate : "il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et les marins."
Que devint Raymond Rallier du Baty une fois de retour en France alors qu'il venait d'avoir trente ans ? Il allait se passionner pour les exploits des pionniers de
l'aviation, fréquenta l'école d'Henri Farman à Toussus le Noble et obtint son brevet de pilote. Il ne continuait pas moins de rêver à un nouveau voyage au long cours qu'il devait d'ailleurs
entreprendre grâce à son sponsor, Jules Girard. Il put se faire construire un autre bateau, "la Curieuse", un peu plus petit que le précédent, mais doté d'un moteur.
Son programme était ambitieux, s'étendant sur cinq ans, tour du monde d'Ouest en Est via l'Atlantique, le Cap de Bonne Espérance, le sud de l'Océan Indien, l'Australie, le Pacifique et le tout
nouvellement inauguré canal de Panama. Départ prévu : Septembre 1913, retour en 1918. Mais outre quelques désagréments avec son équipage, le voyage devait s'interrompre en Australie
en Septembre 1914, la guerre étant déclarée et Raymond rappelé pour faire son devoir. Il avait quand même eu le temps de parfaire la topographie des Kerguelen et de dresser la première
carte des lieux digne de ce nom. Ses finances étant à plat, il dut vendre son bateau à l'encan pour payer l'équipage et le faire rapatrier, même sort que le "JB Charcot" en
définitive.
Cette triste fin du voyage, le bouleversement de la guerre 14/18, la mort de son frère Henri après avoir été gravement blessé au front, affectèrent durement son
moral. Mobilisé lui même, il fut versé au centre d'aviation maritime de Dunkerque, effectuant des patrouilles dans le Pas de Calais et la mer du Nord en petit hydravion biplan à coque
plate. Il devait participer au bombardement d'Ostende. Devenu ainsi un spécialiste aéronaval, il fut après la guerre attaché à l'Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes
(OSTPM) effectuant de nombreuses missions dans le Golfe de Gascogne, sur les côtes d'Espagne, du Portugal, du Maroc, Mauritanie, aux Açores, Canaries, Terre Neuve.
Il mourut de sa belle mort comme l'on dit, le 7 Mai 1978, à l'âge très avancé de 97 ans, inhumé au cimetière de Kerdeff à Locmiquélic dans le Morbihan.
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"Heurs et malheurs du thé Bourbon"
L'histoire du thé à l'île de la Réunion est partie de grands espoirs malheureusement vite déçus. Sa culture, testée en 1955 puis lancée en 1957 dans des zones des
Hauts de l'île encore enclavés (Plaine des Palmistes, Grand-Coude) va durer moins de quinze ans.
Si l'on remonte aux origines anciennes, des pieds de thé sauvage auraient été découverts dans l'île puis des plants furent importés par un particulier , un certain
Rochefeuille, mais c'est au Crédit Foncier Colonial que l'on doit l'essai le plus important avec deux plantations, l'une au Baril (Saint-Philippe) l'autre au Bernica (Saint Paul) et plus tard à
Bagatelle et Menciol dans les hauts de Saint-André. Cette culture nouvelle nécessitait une main d'oeuvre nombreuse et répondait tout à fait au plan de développement des hauts de l'époque
prôné notamment par Jean De Cambiaire, directeur du Crédit Agricole. Deux coopératives furent créées dans les années soixante à la Plaine des Palmistes (inaugurée par Michel DEBRE)
puis à Grand-Coude produisant le thé "Bourbon", thé noir qui, analysé par les experts de Londres fut classé cinquième au monde, comparable au Ceylan. A savoir que le thé "noir"
vient de la même plante, camellia sinensis, que le thé "vert" ou le thé "blanc", seule change la cueillette (on ne prélève que les deux dernières feuilles et le bourgeon pour le
thé "blanc") et les opérations de torréfaction pour le thé "vert" et la fermentation pour le thé "noir". En 1970, la production atteignait 70 tonnes mais avec un coût de la main d'oeuvre à
la Réunion, Département français d'Outre Mer, qui n'était pas compétitif par rapport aux autres pays producteurs comme l'île Maurice, les pays africains et asiatiques, le rendement
s'avérant aussi insuffisant même si la qualité était là. Il y eut aussi des abus notoires quant à l'usage de subventions. En 1972 on paya les mêmes exploitants qu'on avait
prféalablement payés pour arracher au profit du thé leur géranium pour le replanter cette fois à la place du thé. En 1973 les deux coopératives mirent la clé sous la porte. Les jolis
paquets de "thé bourbon" se trouvèrent encore présents quelques années dans les boutiques avant qu'ils n'en disparaissent totalement.
Pour finir, trois remarques concernant le thé :
- c'est une culture non invasive, autrement dit ce n'est pas une peste végétale, nul oiseau ne transporte ses lourdes graines au delà du périmètre
planté.
- Les théiers sont des arbres en fait mais si on les voit de la taille d'un arbuste c'est parcequ'ils sont rabattus pour faciliter la cueillette (comme pour l'ylang
ylang) et taillés en table. Un pied de thé qu'on laisse pousser peut atteindre vingt mètres.
- La cueillette est l'étape cruciale pour la qualité : cueillette "impériale" (le top) où l'on n e prélève que le pekoe (c à d le bourgeon terminal, la jeune pousse
enroulée sur elle même, plus une feuille) - cueillette "fine" où l'on prélève le pekoe plus 2 feuilles - cueillette "normale" où l'on prélève le pekoe plus trois feuilles (voire
plus). Les feuilles du bas sont moins riches en caféïne et tanin et d'un goût moins raffiné.
Cette cueillette se fait toujours le matin quand les feuilles sont les plus fraiches et à la main, généralement par des femmes, bien qu'elle soit devenue mécanisée
au Japon et en Géorgie.