Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 20:39

J'ai un peu fréquenté les Auberges de Jeunesse.

Surtout en Israël en 1964.

Mais en France, à part deux trois autres en Provence, ce fut surtout celle de "Regain" à St-Saturnin-lès-Apt puis à Saignon (Vaucluse).

C'était en 1958 où, après trois séjours consécutifs en Grande Bretagne (Londres, Bournemouth et Linlithgow en Écosse),  je voulus connaître la Provence.

Mon père était abonné à la revue du Touring Club et c'est en la parcourant, dans les pages petites annonces, que je trouvai l'adresse d'une auberge de jeunesse "indépendante" (sic) nommée Regain sise au Puits du Geai près de St Saturnin à une dizaine de Kms au Nord d'Apt (Vaucluse).

J'avais déjà lu du Jean Giono (première période), la trilogie (dite de Pan) que forment ses trois premiers romans dont Regain.

Regain, précisément.

D'où m'était venue l'envie de connaître cette région.

Bien qu' "indépendante", la carte des Auberges (FUAJ pour Fédération Unie des Auberges de la Jeunesse) était demandée.  J'en fis donc la demande sans savoir ce qu'était le mouvement ajiste sinon qu'il offrait aux jeunes (et aussi moins jeunes), de tous bords, un hébergement bon marché moyennant participation au tâches collectives.

Je descendis donc dans le midi et fus si emballé de mon séjour là bas que j'y retournai aux vacances l'année suivante et encore l'année d'après.

Jusqu'à mon départ pour le service militaire en fait.

 

 

                                                -oOo-

 

 

Les auberges de jeunesse existent toujours et dans de très nombreux pays mais j'imagine que, depuis le temps, l' "esprit auberge" - s'il existe encore - a dû bien changer...

Je vais donc m'y attarder un peu.

 

                                                  -oOo-

 

Rappelons tout d'abord que le mouvement des Auberges de Jeunesses (ajisme) est né pratiquement en même temps que le scoutisme de Baden Powell.  

Et c'est en Allemagne en 1907 qu'un instituteur de Prusse Orientale du nom de Richard Schirmann eut l'idée de transformer sa classe en dortoir pour y recevoir, pendant les vacances, des groupes de jeunes. Première expérience qui eut une suite plus concrète avec la création en 1912 d'une véritable auberge de jeunesse permanente dans le château d'Altena en Westphalie grâce à des aides.

La première au monde.

Les principes fondateurs en étaient : la neutralité politique, l'accueil de toute la jeunesse sans distinction, favoriser l'amitié et la paix, développer le goût de la randonnée et de la Nature.

Ils sont assez différents (mais non étrangers) à ceux du scoutisme qui lui est en quelque sorte une école de formation du caractère et de la personnalité par la solidarité, l'entraide et le respect aux travers d'activités pratiques dans la Nature et d'un règlement à dimension religieuse ou spirituelle.

 

L'ajisme est au départ un mouvement laïc.

 

 

                                                            -oOo-

 

 

La première auberge de jeunesse en France (baptisée l'Epi d'or) fut créée en 1930 (18 ans après Alténa de Richard Schirmann) par Marc SANGNIER à Boissy-la-Rivière (Essonne) ainsi qu'une première association, la LFAJ (Ligue Française des Auberges de Jeunesse)

Marc SANGNIER (1873-1950) était un journaliste et homme politique démocrate chrétien, fondateur encore étudiant du Sillon, mouvement pour un christianisme démocratique et social visant à rapprocher la jeunesse ouvrière et celle des autres catégories sociales, dans l'esprit de l'encyclique Rerum Novarum (de choses nouvelles) de Léon XIII sur la doctrine social de l’Église.

Tout en se voulant un mouvement laïc, celui-ci n'en était pas moins à tendance catholique d'où une ambiguïté : Sangnier, fervent catholique lui-même, se déclarait républicain de gauche et même très à gauche pour l'époque ce qui le fit traiter de traître par la droite et d'hypocrite par la gauche et en réaction s'était créée une association concurrente, clairement affichée laïque, la CLAJ (Centre Laïc des Auberges de Jeunesse) dont Léo LAGRANGE sous secrétaire d’État à la jeunesse du Front Populaire allait être le Président et dont fit partie l'écrivain et grand sportif Marc AUGIER (Saint-Loup de son nom de plume) qui fut lui-même son sous-secrétaire d’État aux Sports. Suite à un voyage en Allemagne comme journaliste et séduit par le national-socialisme, il entra dans la Collaboration sous l'Occupation, fut rédacteur en chef de la Gerbe d'Alphonse de Chateaubriand puis correspondant de presse de la Waffen SS française (division Charlemagne) sur le front de l'Est.  Entré en clandestinité en Argentine après 1945, il fut condamné à mort par contumace en 1948. Il se constitua prisonnier en 1953 et passa devant le tribunal militaire qui le condamna à deux ans de prison mais gracié par amnistie. 

Sangnier lui avait fait la guerre 14 puis s'était lancé en politique. Il fut élu député à la Chambre Bleu Horizon défendant l'idée d'une vraie réconciliation franco-allemande.  Ce qui le mena à un échec aux élections de 1929.

Par suite, abandonnant la politique et après avoir rencontré  Richard Schirmann, il allait se consacrer pleinement à la cause pacifiste et aux auberges. Durant l'Occupation, ayant mis l'imprimerie de son journal l’Éveil des peuples à la disposition  d'un groupe de résistants, il fut arrêté par la Gestapo et incarcéré plusieurs semaines à la prison de Fresnes. A la Libération il revint en politique et fut élu député de Paris sous l'étiquette MRP. 

 

 

C'est dire dans quel climat difficile était né et s'était développé le mouvement ajiste au cours de cette période agitée de courants contraires. 

 

 

Les deux associations, la CLAJ de Léo Lagrange et la FLAJ de Marc Sangnier, devaient finalement fusionner en 1956 au sein de la FUAJ (Fédération Unie des Auberges de Jeunesse) - elle même faisant partie de la FIAJ (Fédération Internationale des Auberges de Jeunesse) - dont la carte donnait accès aux auberges en France comme à l'étranger.

 

 

                                                       -oOo-

 

 

Bien que se disant "indépendante" (ce qui était dans le caractère du Père Aubergiste François MORENAS)  l'auberge de "Regain" était affiliée à la FUAJ.

Installée d'abord à St Saturnin (Puits du Geai, Clermont pendant la période d'Occupation) puis à Saignon (Le Colombier), l'absence de carte d'A.J. n'y était pas rédhibitoire du moment qu'il y avait de la place.

 

Mais, plus qu'une simple auberge de jeunesse, elle devait connaître un destin tout autre et on peut le dire du fait d'une femme, Claude devenue épouse MORENAS.

 

 

Il me faut ici revenir sur des souvenirs personnels : ma découverte de "Regain" et ma rencontre avec François. 

 

J'étais donc parti cette année là sac au dos par le train (via Paris gare de Lyon) jusqu'à Avignon d'où je rejoignis Apt par le car.  De là je poursuivis vers St Saturnin mais sans atteindre le village car l'embranchement pour "Regain" se situait avant, un sentier montant vers les collines avec une flèche peinte sur un gros rocher indiquant la direction. C'était vers la fin de l'après midi alors que les ombres commençaient à s'allonger.  Le soleil déclinant n'écrasait plus le paysage de sa lumière crue, les couleurs étaient magnifiques et je gravissais  ce beau chemin pierreux  un peu comme dans un rêve. 

Je finis par déboucher sur une combe que le crépuscule commençait d'envahir.  Un vieux mas et un beau puits près d'un mûrier nichaient au fond.  J'étais arrivé.  Quel calme ! Passant devant le puits je me dirigeai vers une entrée d'où sortaient des bruits de voix.  A ce moment apparut un seau à la main un homme d'âge indéfinissable, les cheveux bruns, longs et hirsutes, avec un chaume de barbe d'au moins une semaine, vêtu d'un vieux short kaki et d'une chemise bleue, le tout fort délavé, des spartiates en plastique aux pieds.  Il allait un peu voûté.  Comme j'arrivai  sa hauteur il leva les yeux sur moi et, dans ce visage aigu et buriné de bandit calabrais, je fus frappé par le regard d'un bleu pâle, lumineux, très doux, contrastant avec la mine du personnage.  Je lui souhaitai le bonsoir auquel il répondit brièvement m'invitant d'une voix un peu criarde à aller poser mon sac, il allait revenir. 

Je venais de rencontrer François Morénas, le "baliseur de sentiers", vieux célibataire, bohème et père aubergiste de la combe aux geais, merveilleux conteur oral, plus tard écrivain.

C'est de ce jour que se noua, discrètement, entre nous un lien d'amitié assez fort pour résister au temps, à une absence de plus de trente ans.

 

Il faut dire qu'à l'époque les installations étaient assez rudimentaires.  On couchait dans le fenil sous le toit ou dans une grange attenante.  Pas de WC mais des feuillets un peu à l'écart, pas de salle d'eau mais à l'extérieur une rangée de robinets et des pommes de douche.  Le mobilier était rustique. Une immense table trônait dans la salle commune comportant une grande cheminée, des bancs, une batterie de cuisine et une vaisselle conséquentes. En revanche, une grande bibliothèque assez fournie, un tourne-disques et une belle collection de 45 et 33 tours : beaucoup de musique classique, des chanteurs comme Léo Ferré, Brassens, Anne Sylvestre, Jacques Douai, Trénet, etc...

François, mis à part l'aide d'un gars du village, était seul à faire fonctionner la boutique.  Nous lui apportions notre aide pour éplucher les légumes, mettre le couvert, faire la vaisselle, nettoyer les chambrées, vider les ordures, enfin ce genre de choses.  Ce qui faisait partie de la règle d'ailleurs.

En dehors de cela, la devise de l'auberge était celle de l'abbaye de Thélème : fais ce que voudras

On pouvait rester toute la journée à féniarder, à lire, écouter de la musique ou alors partir en balade sur les mille et un sentiers qu'il avait balisés et qui formaient une véritable toile d'araignée dans toute la région.  Il n'était jamais avare de conseil et des fois nous accompagnait avec un pot de peinture et un pinceau pour raviver une balise effacée ou en tracer une autre qui manquait.

Il avait une deux chevaux dont il se servait pour se rendre au village pour le ravitaillement.  Il avait dû lui-même aménager certains passages du chemin qui n'était pas carrossable pour qu'elle puisse passer sans dommage.   

La clientèle de Regain était des plus variée.  Il y avait pas mal d'étudiant(e)s mais aussi des gars et filles qui travaillaient déjà comme ouvriers ou employés et qui passaient leurs congés payés, des couples mariés, quelques étrangers aussi, des Belges, des Néerlandais, des Allemands. Certains faisaient de la peinture en amateur mais d'autres étaient de vrais artistes-peintres et qui revenaient ici car séduits par le calme et la Nature avec cette lumière et ces couleurs.

 

Autre flash-back dans mes souvenirs :

 

Je me souviens en particulier d'un bruxellois qui était architecte et qui venait tous les ans y faire des toiles d'une facture assez moderne.  Mais aussi, et surtout, d'un grand hollandais dégingandé à la tenue assez débraillée mais propre, qui circulait à vélo à travers la Provence avec un minuscule sac à dos.  Il s'appelait Henck et parlait passablement bien le français.  Se disant sans profession précise (mais débrouillard) et sans le sou, il s'arrangeait comme ça auprès des autres moyennant de menus services pour le gîte et le couvert et il le faisait sans mièvrerie ce qui était une des facettes de son génie.  Une autre était son extrême sens de l'économie et de la frugalité, nécessairement j'ajouterai.  Mais sa gentillesse et sa drôlerie faisaient qu'on lui pardonnait ce genre pique-assiette.  Il dessinait très bien et faisait de l'aquarelle, réalisant de jolies cartes postales qu'il vendait et qui lui servaient souvent de monnaie d'échange.  Mais il était aussi musicien et nous régalait le soir sous les étoiles en jouant de sa flûte traversière.  Il avait un humour bien à lui et encore plus savoureux dans son français plutôt approximatif et nous faisait tordre de rire.  Plus charmant compagnon que lui il n'y en avait pas deux.  Toujours gai, toujours complaisant. 

Il repartit un beau matin vers d'autres coins avec son vélo non sans avoir fêté ça la veille, promettant de repasser avant l'hiver.

 

Regain fermait durant l'hiver et François qui était originaire du village de Séguret près des Dentelles de Montmirail allait y "hiverner" en quelque sorte. Mais  exceptionnellement il rouvrait son auberge quelques jours pour la Noël et y retrouver quelques fidèles.

 

J'ai lu quelque part que la rencontre de Claude avec François remontait à 1955 où elle était descendue dans le Midi pour peindre la Provence, logeant à Regain .

 

Or quand j'y suis venu pour la première fois, c'était dans l'été 1958, il n'y avait pas de femme aux côtés de François.  Mais l'année suivante (1959) oui. Elle était là et depuis un moment sans doute car déjà ça avait changé dans l'Auberge question organisation et tout.  Ils étaient je pense déjà mariés.

Entre 1955 et 1958 il faudrait croire qu'elle était revenue aux beaux jours et, ne l'ayant pas vue au cours de mon séjour de l'été 1958, qu'elle y aurait séjourné à une autre période de l'année.   

 

Elle venait d'un milieu bourgeois de Lille, avait fait les beaux arts, doué d'un esprit très indépendant et déterminé pour avoir imposé à sa famille cette idylle hors norme.

François était beaucoup plus âgé qu'elle.  Il était né l'année de la guerre, la première, celle de 14.  Son père qui était receveur de l'Enregistrement l'avait faite.  François fit quelques études et hérita de son père le goût de la randonnée et du cinéma, ce cinéma populaire des salles de village où l'on projetait des films comiques, muets, et des westerns. 

Dans les années 1930 de crise économique et du Front Populaire qui allaient mener à la seconde guerre mondiale, il tenta de se faire engager dans les studios de cinéma la Victorine près de Nice, même sans rémunération, mais il fut déçu par cette expérience et se résolut à travailler chez un notaire à Antibes, autant le dire sans conviction, pour gagner sa vie.

Mais un jour il entra par hasard dans la "salle du peuple" où Marc AUGIER, alors directeur du CLAJ (Centre Laïc des Auberges de Jeunesse) donnait une conférence sur les auberges de jeunesse. Enthousiasmé, il commença de s' intéresser et, constatant qu'on pouvait en vivre en devenant père aubergiste, il décida d'ouvrir la sienne dans un vieux mas à St Saturnin d'Apt qu'il appela Regain (autrement dit renouveau, à l'image du roman de Giono).

François Morénas épousait les idées pacifistes et anti militaristes de Giono qui d'ailleurs était venu visiter son auberge.  Néanmoins à la déclaration de guerre il répondit (comme Giono le fit lui-même) à l'ordre de mobilisation générale du 2 Septembre 1939 - 0 heure -  dans un dépôt d'artillerie de montagne. Démobilisé à l'Armistice, il fut en butte aux paysans du coin lui reprochant son attitude antimilitariste et il dût quitter St Saturnin, fermant l'auberge pour la déplacer en attendant sur le plateau des Claparèdes dans un bâtiment dépendant de l'ancien prieuré de Clermont.

A l'école des cadres de la jeunesse d'Uriage (Isère) créée sous Vichy par un militaire, Pierre Dunoyer de Seconzac, entraîné par Hélène Laguerre une journaliste proche de Giono au Contadour, il suivit le stage qu'elle y avait organisé mais qui le dégoûta par son esprit de discipline et son embrigadement.  A noter que cette école devait fermer quelques années plus tard ses dirigeants n'adhérant plus aux thèses de Vichy et notamment sur l'antisémitisme. 

François se replia seul durant tout le restant de la guerre à Clermont, "Clermont des lapins" comme il dira plus tard dans ses Mémoires du fait qu'il n'y trouvait guère que la compagnie des lapins avec d'occasionnels hôtes de passage mais aussi quelques résistants.  

Après la guerre il délaissa complètement son auberge pendant une dizaine d'années pour s'adonner à sa passion du cinéma en sillonnant la Provence seul à vélo tirant une remorque avec du matériel de projection et quelques films qu'il présentait de village en village. 

Ce n'est qu'en 1954 qu'il réintégra St Saturnin pour y reprendre sa vie d'avant, celle de père aub' et de baliseur de sentiers. 

 

Il avait longtemps cherché parmi toutes celles qui passaient par Regain l'âme sœur qui accepterait son genre de vie, une mère aub' quoi.

Les années de solitude à Clermont, ses tournées de cinéma ambulant, ne s'y était guère prêté non plus. 

Il en était donc là quand survint Claude.

 

Et tout changea. 

D'abord lui, tout en gardant son caractère à la fois bourru et primesautier, ses coups de gueule légendaires, et sa tenue vestimentaire mais aussi l'organisation de l'auberge.  Claude, femme de caractère, était une dessinatrice et artiste-peintre très douée mais elle l'était aussi pour l'écriture. Elle sut faire la part des choses entre son travail de mère-aub' et ses deux passions.  Du conteur oral hors-pair qu'était François, elle su faire de lui un véritable écrivain, auteur de plusieurs volumes de souvenirs et expériences des plus variées .

Son sens pratique fit aussi qu'elle commença d'entreprendre les démarches nécessaires pour développer l'auberge et en faire un véritable centre culturel avec sa salle de cinéma. 

Mais pour cela il avait fallu quitter la Combe aux Geais, merveilleux endroit mais trop retiré de tout. 

C'est à Saignon, pittoresque village à environ sept kilomètres au Sud-Est d'Apt, au hameau du Colombier en bordure du plateau des Claparèdes que Regain alla s'installer en haut d'un petit ravin au fond duquel coule l'Aiguebrun, dans une sorte de bastide semi-troglodytique.

 

 

                                                   -oOo-

 

 

De retour d'Algérie, je trouvai du travail d'abord à Paris où je restai un peu plus d'un an puis au Mans où  je me trouvais encore en 1963 année où je pris un peu de mes congés payés pour retrouver Regain mais dans son nouveau cadre.

Pour être pittoresque certes l'endroit l'était, au bord du vallon de l'Aiguebrun, tranquille aussi, mais accessible pour tout véhicule et à moins d'un quart d'heure à pieds de la route de Saignon à Apt.

L'intérieur de l'auberge avait bien changé aussi, bien meublé en rustique avec étages, WC et salle d'eau.  Enfin tout le confort.

Par deux trois paliers herbeux on descendait au bord de la rivière Aiguebrun, affluent de la Durance coulant depuis Auribeau et qu'un petit ponceau franchissait.  Au delà démarraient les sentiers montant vers le Grand Luberon, ses villages morts et son point culminant du Moure Nègre (1125 mètres).

Malgré le changement je dirais, je me plus au Colombier et eus l'occasion de faire plusieurs balades en compagnie de quelques hôtes dont un Tourangeau que j'avais connu au collège. Il faisait l’École du Bois pour devenir ingénieur des Eaux et Forêts.

 

L'année suivante je partis en Israël  où je demeurai six mois.

 

L'année d'après, en 1965 donc, je retournai à Regain avec ma sœur pour les vacances de Pâques, heureux de lui faire découvrir cette région que j'adorais.

Et ce fut la dernière fois.

 

Quatre ans plus tard je quittai la France métropolitaine pour l'Outre-Mer et bien qu'y étant revenu plusieurs fois en vacances je n'eus pas l'occasion de repasser par Regain.

 

Mais en 1993, une de mes nièces qui voulait passer des vacances en Provence et à qui j'avais donné les coordonnées de Regain fit le détour et tout en donnant de mes nouvelles m'en donna aussi de là bas.

Regain où vivaient toujours François et Claude était devenu chambres et tables d'hôtes, étoilés  s'il vous plaît, tenus en fait par leur fille Frédérique (qui avait été prof de danse) et son mari.  Une petite salle de cinéma avait été ouverte avec  la collection de films anciens (des Charlot, des Mack Sennett, les Laurel et Hardy, des Buster Keaton et autres comiques en noir et blanc, de vieux westerns) que François avait accumulée au fil des années et prenait plaisir à visionner pour ses hôtes et lors de soirées en plein air durant les mois d'été, ne demandant jamais un prix d'entrée mais laissant une corbeille où chacun pouvait déposer ce qu'il voulait.  De ceux qui l'ont connu nul ne s'en étonnera. 

Ce cinéma populaire dont il s'était fait le commis-voyageur dans l'après guerre à travers la Provence rurale fut toujours sa grande passion.

 

Voici  deux photos : l'une du Regain du Puits du Geai à St Saturnin dans l'état où il était en 1958 (les vignes en moins cependant)

CARTE SAINT SATURNIN LES APT Auberge de la Jeunesse Regain et Travignon La  vigne EUR 9,50 - PicClick FR

l'autre du Colombier à Saignon à l'époque c'est à dire en 1963.

Boucle au départ de Saignon par Regain et Auribeau - RandoAix

 

Voici la préface de Jean GIONO au guide "Découverte du Luberon - Création, balisage et entretien assurés par REGAIN  Auberge de Jeunesse SAIGNON " de François et Claude MORENAS- LEBLANC  tiré sur les presses  de l'imprimerie Esnancaud à Gardanne (Bouches du Rhône) :

 

                                                    ....   Il faudra vraiment dessiner

                                                                          un jour la carte des chemins non

                                                                          carrossables à l'usage des vrais

                                                                          curieux.              

                                                                                  (GIONO)

(précisément ce qu'ont fait François et Claude Morénas en Vaucluse)

 

"J'avais préfacé déjà en 1961 (*) Le Guide des circuits touristiques du Pays d'Apt. Il s'agissait bien entendu de circuits pédestres, d'un catalogue des sentiers et des postes.  J'avais été émerveillé, non seulement de la richesse particulière des itinéraires, des paysages et surtout des visages multipliés de la liberté, mais encore le choix, la science, la connaissance ce qui est mieux, de François et Claude Morénas.

Aujourd'hui ces mêmes explorateurs (le terme n'est pas trop fort) vont nous emmener de nouveau le long des circuits pédestres dans le Luberon, à la découverte d'un monde bien plus riche que toutes les lunes de l'univers, avec tous ses détails extraordinaires : ses fleurs, ses ciels, ses oiseaux, ses eaux courantes et dormantes, ses vents, ses pluies : la terre enfin, tout simplement, mais entière. "

                                                                        Jean GIONO

                                                                          Avril 1969

 

(*) Dans cette préface Giono écrivait : " Le travail de Claude et François Morenas font plus pour le bonheur que mille chantiers d'autoroute."

Et enfin un extrait de la Présentation de François Morenas, comment il nous invite sur ses sentiers, dans quel esprit, en prenant son temps et les sens en éveil, toute une litanie de lieux que j'ai connus et aimés :

" Entre la fracassante fontaine (il s'agit de la Fontaine de Vaucluse dont le nom du village a été donné au Département), Gordes-les-Murs et ses oliviers, Roussillon la Rouge et ses pinèdes, les colles à lavande du Plateau de Sarraud, le squelette blanc de Travignon, le chapelet des aiguiers, les moulins de Vérende, les sarcophages de Saint Pantaléon, l'automne dans la combe du Saint Pierre, les cerisiers fleuris au Puits du Geai, arrêtez-moi, il faut tout dire, tant d'images se pressent, le monolithe aux corneilles de Vaumale, le belvédère du Saint-Pierre, Lagarde, Berre, la Sénancole ruisseau-liqueur, la falaise de Lioux, Puits Royal, colline de plâtre regardant les ocres de la vallée ....  Visages contrastés, matière à mille voyages dans mille pays différents qui n'ont en commun que leurs garrigues odorantes. Si Roussillon c'est manger chez David, Gordes le château et le Musée Vasarélien, Saint-Saturnin la piscine (la petite retenue du barrage) et Sénanque une visite classique de digestion au frais, ne dites pas que vous connaissez.  Il faut y venir dans la poussière des chemins et la tête dans les nuages, y venir à pieds comme le pèlerin.  Laissez vos souvenirs touristiques nous vous en ferons d'autres.  Prenez vos yeux, vos oreilles et votre nez, la paume de vos mains et la plante de vos pieds et venez, voici la clef.  Allez-y seul, heureux, les signes vous donnent la main sans contrainte, sans conversations inutiles.  Des jumelles pour les oiseaux, pour scruter l'horizon, une loupe pour vous agenouiller devant la beauté des plus humbles fleurs. Paysages d'odeurs, floraisons fragiles et joyeuses de Mai, velours d'été des collines.  Alors seulement vous ferez étape et vous vous attablerez pour combler d'autres faims que celles de votre découverte.  "

 

 

 

 

                                            In Memoriam

François Morenas est décédé le 16 Octobre 2006 à Saignon âgé de 92 ans et Claude (née Leblanc) le 29 Juin 2009 à Saignon âgée de 76 ans.


 

 

   

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires