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12 juin 2022 7 12 /06 /juin /2022 12:01

C'est le titre d'une nouvelle de Jean GIONO dans le recueil "l'eau vive"dont voici un extrait :

 

"Les champs de blé dansaient.  Ils étaient graves et lourds.  Ils frappaient de leurs grandes mains rousses sur les tambours détendus.  Ça battait comme un cœur ;  ça sonnait sourdement par toute la terre : croum, croum, croum.  Le blé dansait.  Parfois une alouette éperdue jaillissait.  Elle criait : le blé qui cuit, qui cuit, qui cuit.  Le ciel l'étouffait sous une vague bleue.

 

Or il se trouve que dans le contexte de la guerre en Ukraine on nous parle de dizaines de millions de tonnes de blé entassées dans les silos du port d'Odessa attendant leur chargement mais bloquées par l'embargo.

Du blé qu'attendent des pays d'Afrique notamment et d'urgence.

Par ailleurs, la moisson de cette année en Ukraine sera dit-on exceptionnelle.  A ne plus savoir où la stocker si l'embargo continue. Et donc vouée à la longue à pourrir en place.

 

Le drapeau de l'Ukraine est d'azur et or.  Et l'or précisément symbolise les immenses champs de blé mûr, une des grandes richesses de ce pays.

Richesse qui sera perdue si l'on ne rétablit pas rapidement  la navigation entre Odessa et la Méditerranée via le Bosphore, les Dardanelles et la mer Égée.

Et ce sera la mort du blé

Une mort voulue par la folie des hommes, la folie de la guerre.  

Le blé dont on fait le pain qui, sans avoir toute l'importance d'autrefois dans le régime alimentaire, n'en reste pas moins essentiel.

Ce pain (avec le vin) fruit de la Terre et du Travail des hommes, selon les paroles de la Consécration.

Certes nous ne sommes plus au temps de Giono, les moissons ne se font plus à la faux ou même à la moissonneuse mécanique tirée par un cheval, le travail est devenu bien moins pénible avec le tracteur.  Nous n'en sommes plus au temps de son lyrisme.  Mais l'image d'aujourd'hui, sans doute moins poétique, de ces immenses champs frémissant d'épis où nous voyons naviguer et parfois de nuit aux phares les moissonneuses auto-tractées sans trace humaine visible est impressionnante. 

 

Laissera-t'on pourrir ce qui représente autant de pain, réduire à néant autant de travail pour semer et récolter, et sans sourciller ?

 

La poursuite d'une guerre sans issue fera t'elle repousser l'Offrande de la Terre, ôter le pain de la bouche de peuples qui à notre époque de gaspillage souffrent encore de la faim ?

 

Est-ce que "la poudre et les balles" valent plus que cela ?

 

IL FAUT QUE CELA SOIT DIT ET ENTENDU.

 

Maintenant, facile à dire on me dira, oui, mais il y a le contexte européen et même mondial dont il faut bien tenir compte et qui nous ligote en fait.

Défendre l'agressé contre l'agresseur on se doit de le faire sans doute mais, sans volonté, de part et d'autre, de faire taire les armes et au prix sans doute de concessions réciproques, persister dans la guerre n'est que vouloir accumuler la destruction et la mort et ne donne raison à personne. 

Il y a bien le "droit d'ingérence" (érigé en obligation morale par le droit international) mais face à la menace atomique on hésite.  Celle-ci brandie, en cas de franchissement de la "ligne rouge" qui prendrait la responsabilité d'appuyer le premier sur le "bouton" (déclenchant une réplique immédiate) et de "vitrifier" toute une partie de l'Europe avec des "retombées" partout dans le monde? Une vision apocalyptique. 

On se dit qu'il faudra bien que tout cela finisse un jour, un jour où les deux camps, refusant une victoire à tout prix, arrêtent les hostilités et en viennent à discuter.  Pour être souvent hypocrite, la diplomatie est nécessaire dans ces cas là.

Là encore facile à dire - et nous en sommes d'ailleurs tous là dans nos réflexions - mais comment l'envisager actuellement où les deux camps veulent absolument sortir vainqueurs et sans rien avoir à céder.

Nous sommes tous impuissants devant ça, il faut le reconnaître. "Faire la morale" comme on le tente, timidement pour ne froisser personne,  "ménager la chèvre et le chou",  ne mène à rien, on le voit bien. 

Nos fournitures d'armes sous prétexte d'équilibrer les forces en présence, les "sanctions économiques" prises et à prendre, nous dispensent-elles (nous dispenseront-elles encore longtemps) d'intervenir directement sur le terrain ? 

 

Un commentateur faisait cette réflexion qui a dû déclencher le holà que, jusqu'à maintenant, cette guerre en Ukraine est restée disons "retenue" dans le sens où les Russes avaient la possibilité de mettre tout de suite et davantage "le paquet" pour une fin rapide. Mais où l'Ukraine aurait été écrasé. La résistance ukrainienne les a surpris, comme le monde entier d'ailleurs, et les a même déstabilisés.

 

On parle maintenant de guerre d'usure et nul ne sait jusqu'où ... des mois ? des années?  non, personne ne sait et tous ces débats et analyses télévisées ne font finalement que tourner en rond. Et nous sommes fatigués d'entendre commentateurs et experts des deux sexes nous parler ex cathedra stratégie et art de la guerre.

 

La crise ukrénienne qu'on le veuille ou non est devenue la pomme de discorde de l'Europe, faisant retomber un nouveau rideau de fer, réveillant la "guerre froide" et ce "risque atomique" qu'après 75 ans de paix européenne on avait presque oubliée.

 

Quant à l'ONU (le "machin" sic de Gaulle) elle a sans doute retrouvé son rôle dans cette crise et décidé à l'unanimité ces "sanctions" économiques (qui d'ailleurs touchent tout le monde car tous sommes inter-dépendants sur ce plan) mais elle même est freinée par ses propres règlements, notamment le principe de non-ingérence, et ne peut en définitive que condamner l'agression. 

 

Rappelons-nous la guerre des Balkans et  l'attitude commandée aux casques bleus de rester l'arme au pied quand Sarajevo était assiégée et pilonnée de toutes parts par les batteries d'artillerie serbe au point que l'abbé Pierre indigné s'était écrié "Qu'on les bombarde, qu'on les fasse taire !" et le Pape Jean Paul II lui-même suppliant de son côté les politiques de tout tenter même au prix de plus grands sacrifices pour que cesse le feu.

 

On évoque aussi un retour au "scénario connu" ayant mené à 39/45, on en est même revenu à la guerre de tranchées, et cet élan patriotique surprenant (et admirable) d'un peuple soulevé par un président charismatique mais qui, dans sa résistance inébranlable, ne promet comme Churchill que le sang et les larmes.

 

Mais en attendant ...

 

Laissera-t'on pourrir le blé ?

 

                                                                                    Juin 2022

   

 

 

 

 

 

 

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