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29 mai 2020 5 29 /05 /mai /2020 10:44

"Deux cavaliers de l'orage" est un roman de Jean GIONO paru en volume en 1965 mais dont la création remonte bien avant, vers la fin des années mil neuf cent trente. Déjà il songeait à en tirer un film.  Il ne put le faire de son vivant.

Cependant, une première version avait paru en feuilleton dans les années 1942/43, sous l'occupation, dans la revue la Gerbe. Cette version fut entre-temps plusieurs fois remaniée avant de trouver sa forme définitive, au bout de vingt cinq ans !

C'est en 1984 que sortit le film de Gérard Vergez "Les cavaliers de l'orage" qui s'en est inspiré. Une grande partie de ce film se situe dans les Dardanelles sur le front oriental de la première guerre mondiale. Qu'en aurait pensé Giono lui-même ? Personnellement, grand lecteur et admirateur de cet auteur,  je l'avais trouvé excellent.

Cependant le scénario qui est de Daniel Boulanger et Gérard Vergez diffère très largement du livre hormis le thème central qui est celui de l'amour fraternel porté à son paroxysme mais qui finira tragiquement. Un thème évoquant le théâtre antique grec de par sa violence et son fatum

Voyons d'abord l' "histoire des Jasons", famille de paysans-maquignons de Haute Provence, par laquelle s'ouvre le roman.

Jason dit l'Ancien ou l'Artiste (il jouait du cornet à piston) a eu d'Ariane trois fils : Marceau (Jason dans le film) puis Marat et, 20 ans plus tard, Ange surnommé le Cadet, "mon Cadet" par Marceau après la mort de Marat. Bien que solidement bâti à l'instar de ses grands frères, Ange est blondinet et plus fin d'ossature. Très choyé enfant par ses aînés et la famille (car "un vieux rêve" de ses parents), élevé aussi, bien entendu et dès son plus jeune âge, dans l'amour et la pratique du cheval. Mais aussi de la lutte, la lutte gréco-romaine que pratiquent les deux aînés et dont Marceau est un champion régional. 

Marceau et Marat ont fait la guerre (14/18), Marat n'en est pas revenu (contrairement au film où on le voit partir avec Marceau et plus tard sur un lit d’hôpital blessé au visage quelque part du côté de Thessalonique.

Ange est appelé au service militaire à Briançon mais Marceau s'arrange pour que, bien qu'incorporé, il lui serve d'assistant dans la remonte de la cavalerie qui est une urgence car nous sommes à la veille de la première guerre mondiale.  Il va donc rester civil et au côté de son aîné pour des virées de recrutement de chevaux et de mulets pour le compte de l'Armée, Marceau étant expert en "maquignonage".

Les deux frères en profitent pour participer à des luttes de foires et de courses de chevaux notamment celle de Lachau où Marceau s'illustre en assommant un cheval devenu fou, son maître ayant ajouté de l'alcool dans son fourrage pour le faire gagner. 

C'est là tout ce qui est évoqué de la guerre dans le livre.  Il n'en est plus question par la suite.

Or il en va tout autrement dans le film.

S'il débute, à la veille de la déclaration de guerre, par des scènes de remonte en Haute Provence, ce n'est que pour introduire deux nouveaux personnages que sont le commandant de cavalerie Castaing et son épouse polonaise, Marie, qui est médecin. Le commandant souffre d'asthme et pourrait se faire réformer mais il s'y refuse obstinément.  La prestance des deux cavaliers que sont Jason (Marceau est appelé ainsi dans le film) et Ange qui passent fréquemment à cheval devant la bastide qu'il occupe avec son épouse et son beau-père polonais, leur manière de faire virevolter leur monture impressionne le commandant qui leur donne carte blanche pour recruter des bêtes pour l'Armée.  Mais ils ont aussi impressionné son épouse, et surtout Jason.  Celle-ci tient un journal où elle se confie à ce sujet, les comparant à deux centaures.

La guerre éclate.  Jason et Marat sont mobilisés mais pas Ange puisqu'il va rester le seul homme de la maisonnée.  A son grand regret d'ailleurs car habitué de tout faire ensemble lui et son aîné il veut partir aussi pour rester avec lui mais Jason s'y oppose fermement.

On retrouve Jason aux Dardanelles, à Gallipoli, lors de la bataille de Sedd Ul Bar (Avril 1915) dans une tranchée à côté du lieutenant serbe Gorian qui commande l'unité avec le capitaine Desplaques. Ils ont été débarqués de nuit d'un navire anglais. Un assaut a été tenté vers les hauteurs où se tiennent les Turcs mais l'opération a échoué, le no man's land restant jonché de cadavres et d'armes.

Depuis, les Turcs se tiennent coi.

Le capitaine Desplaques (fils d'un marchand de canons) va alors donner un ordre stupide : faire une sortie pour récupérer les armes ce à quoi Goriane répond "Mais, mon capitaine, ils vont se réveiller là haut !" Qu'à cela ne tienne c'est un ordre. Au moment où Jason va bondir hors de la tranchée, Goriane le retient à temps alors que les Turcs ouvrent déjà le tir de leurs mitrailleuses et fauchent les assaillants y compris le capitaine.  "Ah le con! le con!..." s'écrie Goriane exaspéré devant l'hécatombe. 

Il sera sévère dans son rapport au commandant de la Compagnie en lieu et place du capitaine Desplaques qui a envoyé ses hommes à une mort certaine et inutile.

Jason s'est dès lors lié d'amitié avec Goriane qui lui dicte ses lettres à Ange tout en reprisant les chaussettes du lieutenant.

Il a aussi l'occasion de se distinguer en donnant des cours de monte aux soldats, en fin connaisseur et dresseur de chevaux qu'il est.

Les Dardanelles vont être évacuées. Elles auront été un désastre pour les Alliés. La compagnie de Jason et Goriane va se retrouver à Salonique en soutien de l'armée serbe.

Et c'est sur le port de Salonique que Jason va retrouver "son Cadet" qui s'est fait engager comme chauffeur de l'ambulance itinérante que mène la veuve du commandant Castaing qui a péri à Ypres en Belgique. Il n'a cessé tout au long du chemin de réclamer aux uns et aux autres des nouvelles d'un soldat Jason.

C'est Marie que Jason apercevra en premier. Étonnement,  mais plus grand encore en apercevant Ange à la place du chauffeur. Retrouvailles exubérantes des deux frères sous le regard amusé de Marie.  Goriane exulte de son côté en voyant défiler les troupes serbes se joignant aux cris de vive la Serbie libre. 

Au cours de leur stationnement forcé à Salonique, Ange va attraper une sale maladie (dyphtérie, palu, ? ) mais il en guérira rapidement. Jason s'est rapproché de Marie Castaing alors que celle-ci sympathise avec Goriane.  Il  l'a remarqué et va même tenter de la forcer, elle refuse mais finira par lui céder.

Des combats de lutte se sont organisés où Jason et Ange font le show pour le plus grand plaisir de toute la troupe à laquelle se joignent les officiers. 

A l'issue de l'une de ces rencontres, Ange défie Jason, à la loyale. Pour la première fois. Mais Jason refuse. Ange insiste et prend les devants dans la lutte contre son aîné.  Celui-ci avait bien remarqué à quel point son Cadet avait forci et maîtrisé les ficelles, d'où sa crainte de l'affronter.  Il est donc contraint de se défendre, y met toute sa force mais il est battu et ne s'en remettra pas.  C'était une chose impensable pour lui : Ange pouvait tout se permettre avec lui sauf d'être le plus fort dans la lutte.  La statue du dieu s'est effondrée.

A l'annonce d'une victoire alliée en Europe, des soldats russes entament l' "Internationale" auxquels Gorian va spontanément se joindre.  Le capitaine Blot leur intime l'ordre de cesser ce chant "séditieux", peine perdue. Il s'adresse directement à Gorian pour qu'il transmette, celui ci réplique que c'est un hymne à la liberté et continue avec les autres. Blot fait donner la garde et c'est une bagarre à laquelle se joint immédiatement Jason qui cogne à qui mieux mieux. Lui et Gorian sont mis au cachot.  Le commandant de la Compagnie tente d'obtenir de Gorian qui risque gros de revenir sur ses déclarations, peine perdue.

Jason projette une évasion avec la complicité d'Ange et de Marie Castaing avec laquelle il parvient à communiquer.

Jason, Ange et Gorian réussiront à s'évader à l'aube et à cheval vers les collines. 

Parvenu à bonne distance, ils font la pause.  Ils sont déjà loin et hors d'atteinte.

Mais Jason prend prétexte de reprendre la lutte avec Ange, la dernière fois "ça n'était pas fini".

Ils s'affrontent donc de nouveau, sans se faire de cadeaux, jusqu'au moment où parvenu trop près d'un ravin, alors que Goriane leur crie d'arrêter, Ange déséquilibré tombe dans le vide et se tue. 

Jason, stupéfait, hurle son nom et sort son revolver pour se tuer.  Goriane lui crie d'en bas : "Non, Jason, non, c'était un accident !" mais il tire.

Epilogue :

La guerre est finie.  Marie Castaing a été condamnée par le tribunal militaire puis amnistiée.  De retour à Paris elle va y reprendre ses études de médecine interrompues tandis que Goriane a repris son métier de journaliste.

Tous deux vont se rencontrer fortuitement à Paris où Gorian a été envoyé pour un reportage.

Au moment de se quitter, Goriane suggère à Marie comme sujet de la thèse qu'elle prépare : l'Espoir.

La fin des deux Jasons dans ce film est donc radicalement différente de celle du livre.

Ce n'est plus un assassinat monstrueux mais pour Jason un suicide de désespoir d'avoir causé la mort de son cadet. Cette ultime lutte des deux frères semble avoir été "à mort" de toute façon, Jason cherchant à tout prix à reprendre son avantage sur son jeune frère.

Dans le livre, Jason ne se tuera pas, il n'aura pas besoin, car il meurt "de la vie qui (pour lui) a refusé d'aller plus loin".

 

 

 
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