Étant jeune j'ai étudié et beaucoup aimé la littérature anglaise classique notamment les poètes romantiques.
Plus tard, je découvris les "war poets".
Les auteurs français qui ont participé à la première guerre mondiale se sont surtout exprimés en prose alors que, du côté britannique, ce fut plutôt en poésie. Au point qu'en littérature on les a rassemblés sous le nom générique de "War Poets". Ils y occupent d'ailleurs une place éminente tant par le sujet que la qualité de leurs écrits.
Si, côté français, on trouve de cette époque quelques grands poètes engagés dans la guerre comme Charles Péguy, Guillaume Appolinaire, Alain Fournier (qui débuta par la poésie), bien plus nombreux furent les romanciers comme Jean Giono, Maurice Génevoix, Henri Barbusse, Georges Bernanos, Blaise Cendrars, George Duhamel, etc...
La référence à la guerre n'est certes pas chose nouvelle en poésie. Déjà "l'Illiade" d'Homère. Mais pour autant les poètes de la guerre 14/18 ne s'en font pas les chantres car ils en sont d'abord les acteurs eux-mêmes.
Et tous n'en sont pas revenus.
Ils en ont donné une vision réaliste, dure, amère.
Leur patriotisme fut d'abord mêlé de tristesse puis très vite ils en vinrent à condamner le carnage et l'imbécilité de la guerre, la grande pitié de la guerre ("The pity, the great pity of war" - Wilfrid Owen)
Leur liste est longue mais les plus connus sont :
Wilfred Owen, mort à 25 ans sur le canal de la Sambre en Novembre 1918, une semaine avant l'armistice.
Sigfried Sassoon, engagé volontaire à 28 ans mais qui suite à une permission de convalescence refusa de retourner au front, condamnant vigoureusement la guerre.
Robert Graves, engagé à dix neuf ans, devint capitaine dans les Royal Welsh Fusiliers. Il fut un ami de Thomas Edward Lawrence, alias "Lawrence d'Arabie". Auteur notamment de "Good bye to all that".
John McCrae, médecin biologiste, qui s'enrôla dans le corps expéditionnaire canadien, auteur du célèbre poème "in Flanders Fields" en pleine bataille des Flandres près d'Ypres.
Charles H. Sorley, d'origine écossaise, mort à Loos en 1915.
Et je terminerai cette énumération - très limitative - par celui à qui je vais consacrer cet article plus particulièrement :
Rupert BROOKE.
Il naquit le 3 Août 1887 à Rugby dans le centre de l'Angleterre, fils d'un professeur au collège de cette ville où il fut élève lui-même.
Tout en voyageant en Europe il prépara une thèse qui lui valut d'entrer à Cambridge au King's College où il fonda un club de théâtre, la Marlowe Society (du nom du grand poète élisabéthain). Ses talents de poète et sa belle prestance l'avait rendu très populaire dans le milieu littéraire.
Puis il voyagea largement comme journaliste aux États-Unis, au Canada et jusqu'en Polynésie, écrivant des récits de voyages pour la "Westminster Gazette".
Sa poésie (notamment ses sonnets) lui attira beaucoup d'admirateurs dont Winston Churchill qui était alors Premier Lord de l'Amirauté et qui favorisa sa mobilisation dans la Royal Navy. Il avait 27 ans et il prit part au siège d'Anvers en octobre 1914.
Puis il prit la mer avec la Mediterranean Expeditionary Force en février 1915, débarqua d'abord en Égypte y suivre un entraînement avant de rejoindre les Dardanelles (opération initiée par Churchill mais qui fut un désastre). Mais par suite d'une infection de piqûre de moustique dégénérant en septicémie, il mourut en route sur un navire-hopital français (le Duguay-Trouin) ancré près de l'île grecque de Skyros (archipel des Sporades), le 23 Avril 1915. Il fut enterré sur l'île dans un champ d'oliviers où se trouve encore sa tombe car l'escadre devait appareiller sans délai. Elle n'était à l'origine qu'un tas de roches surmonté d'une croix de bois mais sa mère se chargea après la guerre de la rendre décente. On y lit cette inscription : "Here lies the servant of God, sub-lieutenant in the English Navy, who died for the deliverance of Constantinople from the Turks."
Sur son lit d’hôpital il avait écrit ce poème (en forme de sonnet)