Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 13:46

Thomas-Edward, alias "Lawrence d'Arabie" oui lui et je ne me serais pas risqué à associer ces deux noms si quelqu'un de plus autorisé ne l'avait déjà fait s'agissant de Malraux.

A un moment donné de leur vie, on trouve en effet chez ces deux hommes une similitude de destin si opposée que soit par ailleurs leur personnalité.

Nous savons ce que pensait de Lawrence Winston Churchill qui était son ami mais qu'en pensait de Gaulle, si tant est qu'il ait daigné se pencher sur son cas ?

Au fond on peut se poser la même question à leur sujet : Que serait devenu Lawrence, que serait devenu de Gaulle s'il n'y avait eu pour l'un l'entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l'Allemagne en 1916, pour l'autre l'armistice capitulation de 1940 ?  Il y a fort à parier qu'on ne parlerait aujourd'hui ni de l'un ni de l'autre. Lawrence serait probablement resté archéologue de terrain en Orient, universitaire-chercheur  anonyme mais connu dans son milieu pour ses publications spécialisées.  Point.  Le colonel de Gaulle serait resté dans l'armée, sa famille, devenu quand même général et peut être auteur d'autres ouvrages techniques genre "au fil de l'épée" et "vers l'armée de métier".  Point.

Mais voilà, Lawrence fut célèbre et l'est resté pour son action auprès des Arabes dans la guerre orientale contre les Turcs au cours du premier conflit mondial et pour ce grand livre que sont "les sept piliers de la sagesse" tout comme de Gaulle le fut (mais pas seulement) pour son appel et son action depuis l'Angleterre contre l'occupation allemande de la France et par ses remarquables "Mémoires de guerre".

Il faut donc revenir à ce moment précis où sonna pour l'un et l'autre l'heure du destin.

 

 

A la déclaration de guerre (Août 1914) T.E.L. âgé de 26 ans était archéologue débutant mais prometteur sur le site mésopotamien de Karkémish (Iraq actuel) et venait de participer avec son chef de fouilles, Léonard Wooley, à une exploration du désert de Sin (partie occidentale du Sinaï) pour y effectuer un relevé topographique pour le compte du service cartographique de l'armée britannique au Caire et dont il avait été chargé du rapport.  L'ayant terminé, il chercha à s'engager comme la plupart des jeunes gens de son milieu et fut d'abord affecté au service cartographique à Londres mais, sitôt l'entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l'Allemagne, il fut transféré à l'état major du Caire  et bientôt affecté au Bureau arabe de renseignements où il devait se faire remarquer tant par ses excentricités et son mépris des conventions militaires que par son excellente connaissance de l'arabe  et du Moyen Orient rapportée de ses voyages antérieurs à pieds  plus souvent qu'à chameau. Bien que de petite taille et d'aspect fluet, il était d'une résistance surprenante à la fatigue, la douleur, au sommeil, à la faim et la soif, tout comme les nomades du désert en fait sur lesquels il avait calqué sa manière de vivre lors de ses pérégrinations.

Les Anglais s'étaient rapprochés des Arabes du Hedjaz pour les soutenir dans leur révote contre l'occupant ottoman devenu ennemi commun moyennant promesse d'indépendance  à l'issue du conflit.  On  avait eu recours aux services du lieutenant-interprète Lawrence dès les premières entrevues avec le chérif hachémite de la Mecque Hussein et quand il se fut agi d'envoyer un émissaire anglais à Hamra en plein désert d'Arabie auprès de l'émir Fayçal, troisième fils d'Hussein, c'est encore et tout naturellement à lui que l'on pensa. Nul autre anglais n'était capable de remplir pareille mission en fait.  Au terme d'un voyage épuisant à dos de chameau et à marche forcée en compagnie de deux guides arabes, traversant le territoire de tribus encore hostiles, l'arrivée de Lawrence au camp de Fayçal et sa rencontre avec l'émir fut véritablement historique.  Les deux hommes furent impressionnés l'un par l'autre en fait : Fayçal de se trouver en présence d'un petit lieutenant mal fagotté et cramoisi mais qui, durement éprouvé par le trajet et sans avoir pris de repos était encore capable de s'entretenir avec lui en arabe sur des questions subtiles et avec à propos.  Epuisé physiquement mais restant maître de lui -  Lawrence par l'impression première et irrésistible de noblesse se dégageant de toute la personne de l'émir Fayçal en qui il vit immédiatement l'homme qu'il recherchait pour prendre la tête du mouvement.  Tel fut en cette fin d'Octobre 1916 le point de départ du ralliement et de l'entrée en guerre des tribus arabes du Hedjaz contre les Turcs avec Fayçal pour leader t Lawrence comme conseiller militaire mais aussi acteur de terrain, souvent au péril de sa vie et au prix de plusieurs blessures.  S'il avait vu d'emblée en Fayçal l'âme de la révolte, il savait que celui-ci ne pouvait pour autant se passer de lui dans une guerre "moderne".  En fait Lawrence sut parfaitement utiliser l'armée (non conventionnelle) de Fayçal partout où les Turcs ne faisaient pas le poids en dépit de leur moyens matériels et numériques, dynamitant en maints endroits la ligne ferroviaire entre Amman et Deraa, les coupant ainsi de leurs approvisionnements. Parce qu'il payait grandement de sa personne, menait la même vie qu'eux, il était presque devenu un frère d'arme pour les Arabes qui l'acclamaient aussi souvent que Fayçal.

Mais "Aurens" servaient deux maîtres : fervent arabophile il avait dès le début pris fait et cause pour ce mouvement d'émancipation arabe vis à vis de l'empire ottoman et comme ce dernier venait de se ranger du côté de l'Allemagne, ce mouvement soutenu et orienté par l'Angleterre pouvait aider celle-ci puissamment à vaincre les Turcs sur le front oriental.  Elle promit donc (et par écrit) l'indépendance aux Arabes en contrepartie de leur participation à la guerre orientale mais, assez tôt, Lawrence s'aperçut qu'il n'en resterait que chiffon de papier une fois la paix revenue car, en réalité, les alliés s'étaient déjà plus ou moins secrètement entendus sur le partage des territoires libérés.  Ainsi l'Angleterre se parjurait-elle vis à vis des Arabes mais comme ceux-ci (dans leur tradition) faisaient davantage confiance à un homme qu'à des institutions, ils virent en la personne de Lawrence le garant de cette fausse-promesse. Engagé à fond à leurs côtés, il ne pouvait démissionner sans faire tout échouer aussi bien du côté anglais que du côté arabe.  Il fut donc contraint et forcé de jouer double jeu sans en  rien laisser transpirer mais au prix d'une véritable torture morale qui devait laisser sur son équilibre nerveux et psychique des séquelles irréversibles.  Du moins se jura-t'il (et il tint parole au delà de ce qu'il était possible) de tout faire pour entrainer les Arabes vers une victoire qui serait véritablement la leur tout en faisant celle des Anglais et leur confèrerait en qualité de belligérants un droit indiscutable à un part non négligeable dans le partage que prévoyait les accords Sykes-Picot.  C'est grâce à lui que Fayçal et son armée put entrer en premier à Damas libéré, trois jours avant les troupes d'Allenby et après qu'une administration provisoire ait été mise en place , non sans mal, toujours grâce à lui.  Estimant sa tâche accomplie sur le terrain, il posa alors sa démission au général Allenby, seule et unique demande qu'il fit jamais pour lui-même.

Fayçal devait  revoir son ami lors de la conférence de la paix où il fut son interprète comme plus tard à celle de San Remo.  Lawrence, dès qu'il en avait eu la certitude, l'avait mis au courant de la précarité de la promesse anglaise d'indépendance mais il ne lui en tint pas rigueur car il connaissait le coeur de Lawrence, il savait pour qui il battait, il comprit son drame personnel mais, après tout ce qu'il avait fait et subi pour la cause arabe, il estimait qu'il ne devait pas s'en tenir rigueur. 

C'est au cours de cette conférence de la paix au quai d'Orsay où il logeait avec Fayçal que Lawrence commença de rédiger les premières pages de ce qui allait devenir son oeuvre littéraire, "les 7 piliers de la sagesse" long récit d'une épopée de deux ans (1916/17) dont pratiquement tout est dit dans le mystérieux poème liminaire.  Il ne se pardonna jamais sa duplicité vis à vis des Arabes.  Il avait  rêvé  les yeux ouverts pour eux et avec eux d'un grand royaume indépendant  (la maison aux sept piliers) avec Fayçal pour souverain et, dans cette perspective, les avaient engagés dans la lutte contre les Turcs.  La paix revenue, la promesse de l'Angleterre fut réduite à peau de chagrin en dépit des protestations (compromettantes pour lui) de Lawrence.  L'auto-punition qu'il s'infligea en s'engageant dans l'armée sous un faux nom et comme simple soldat  s'apparente à une sorte de suicide mental.

 

Juin 1940 : après avoir participé à la campagne de France (10 mai - 25 juin) à la tête d'une unité de chars, le colonel de Gaulle âgé de cinquante ans nommé général de brigade à titre temporaire entre dans le cabinet Paul Reynaud en tant que sous secrétaire d'état à la défense.   Il se rendra par deux fois en Angleterre demander le renvoi en France de troupes britanniques et d'une partie de la RAF et des moyens polur l'Afrique du Nord.  Il fera accepter par Reynaud le projet d'union franco-britannique présenté par Jean Monnet et approuvé par Churchill.  Il rentre de Londres à Bordeaux au moment où Reynaud n'ayant pu conjurer la défaire vient de démissionner.  Pétain va demander l'armistice.  La France capitule.  De Gaulle est un soldat par vocation ayant au plus haut point le sens de la Patrie.  Il a combattu en 14, y a été blessé et a tiré les leçons de la guerre exposant ses points de vue tranchés dans "Au fil de l'épée" et "Vers l'armée de métier". Il avait une profonde admiration pour Pétain, héros de 14, qui était le parrain de son fils Philippe.  Il fut donc cruellement déçu de sa décision de demander l'armistice.  Aussi, à peine celle ci annoncée à la radio, va-t'il franchir son Rubicon et consommer sa rupture avec le maréchal et son gouvernement.  Profitant de l'avion du général anglais Spiers, il s'envole pour Londres avec son aide de camp Geoffroy de Courcel tandis que sa famille embarque à Brest sur un cargo pour l'Angleterre.  A peine débarqué, il fonce à la BBC et dès le lendemain, 18 Juin 1940, lance sur les ondes son appel historique.  Point de départ de cette France Libre qu'il va incarner désormais.  On connait la suite, inutile d'y revenir.  Toute l'action de de Gaulle depuis Londres sera d'associer aussi étroitement que possible les forces armées et de résistance der la France Libre dans la lutte contre les Allemands pour la libération  du pays.  Avant même que les combats aient cessé il va retourner en France pour être le premier à entrer dans Paris libéré.  S'imposer aux anglais et aux américains avaient été pour lui une tâche extrêmement rude mais, aiguillonné constamment par son refus de la capitulation il avait triomphé et entrait en même temps dans l'Histoire.  Toutefois l'armistice avait d'une certaine façon favorisé ses dessiens en lui laissant le temps d'organiser la résistance  contre laquelleune armée d'occupation finit toujours par s'user. L'intervention décisive des Etats Unis dans le conflit et le débarquement allié en Normandie firent tout le reste. La paix revenue, de Gaulle ne devait faire qu'un bref passage en politique, hostile au projet de constitution et au jeu des partis, partisan d'un exécutif fort et, après l'échec de son mouvement RPF (Rassemblement du Peuple Français) il va de retirer complètement de la scène politique pour se consacrer à ses "Mémoires de Guerre" dans lesquelles il se révèle comme un très grand écrivain classique. Mais, comme l'on sait, L'Histoire devait le rattraper en Mai 1958 avec la crise algérienne.

 

Il n'est donc pas du tout incongru de faire un parallèle entre T.E Lawrence et de Gaulle, chacun dans sa guerre, et pour ce qui est des évènements déterminants ayant marqué le début de leur trajectoire respective.  Savoir aussi que nous sommes en présence de deux hommes chez qui l'action a précédé la littérature, deux hommes qui ayant joué un rôle dans l'Histoire (même si celui de Lawrence en Orient parait plus lolintaine) servi en celà par les circonstances, et quyi en ont témoigné ensuite.  T.E Lawrence (mort accidentellement en 1935 alors qu'il venait de quitter l'armée) ne devait pas connaître la seconde guerre mondiale à laquelle il aurait probablement participé en tant que volontaire, d'une manière ou d'une autre, et peut être pas forcément de la moindre, car son ami Churchill l'aurait sûrement relancé pour lui confier un poste important ce qu'il avait voulu faire mais ne put obtenir de lui après la première guerre mondiale. 

 

Pline le jeune dans une lettre à Tacite a écrit :

"Heureux ceux dont les actes valent la peine d'être écrits, ou les écrits la peine d'être lus ;  plus heureux encore ceux auxquels il est donné d'allier les deux."


Nous en avons ici deux exemples.

Partager cet article
Repost0

commentaires