Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 octobre 2008 1 27 /10 /octobre /2008 17:54

                       Jean-Henri  AZÉMA, l’exilé… 
  
Parmi les poètes auxquels l’île de la Réunion a donné naissance, il en est un que l’on ne cite pas très volontiers du fait de son passé « collabo » bien que gracié par le Président Georges Pompidou en 1970. Il resta même pratiquement inconnu sur son île natal jusqu’à son retour en 1990 pour participer au festival du livre de l’Océan Indien. Après Jean ALBANY (Auguste LACAUSSADE aussi me semble- t’il) je vais évoquer aujourd’hui Jean-Henri AZÉMA, poète majeur, créole réunionnais de vieille souche resté profondément attaché à son île dont il fut coupé pendant plus de 40 ans. Rappelons d’abord l’origine à la Réunion de cette famille AZÉMA. L’ancêtre, Jean-Baptiste, était natif de Lyon et débarqua sur l’Isle de France (aujourd’hui Maurice) vers 1732. Il s’y maria à une Delle Anne-Marie HUBERT qui n’avait que 16 ans et ils eurent 6 enfants. En 1743 Il fut nommé Directeur général du commerce et Commandant de l’Isle de France en remplacement d’un certain Didier de SAINT- MARTIN. Sa femme s’étant rendue à Port Louis à cheval pour l’arrivée du « Saint Géran » et apprenant son tragique naufrage sur les brisants devant Poudre d’Or, en tomba de saisissement et mourut quelques heures après sa chute. Inconsolable son époux démissionna de ses fonctions demandant à Mahé de la Bourdonnais d’être nommé gouverneur à l’île Bourbon (la Réunion) où il  arriva en Mai 1745 pour y mourir 5 mois plus tard… au terme du plus court mandat de gouverneur de toute l’Histoire. S’il connut un « mauvais destin », ses descendants en revanche  s’illustrèrent en divers domaines, y compris la littérature. Il y eût un autre Jean-Baptiste qui fut procureur et dont un des fils, Candide, fut notaire et maire de Saint Denis. Etienne, magistrat, auteur d’un recueil de poésies. Georges, fils du précédent, greffier et auteur d’une Histoire de Bourbon. Henri, fils du précédent, médecin et auteur d’une Histoire de la ville de Saint Denis de 1815 à 1870. Il fut président de l’Académie de la Réunion. Enfin Jean-Henry, fils du précédent, celui qui nous intéresse.

Jean Henri est né à Saint Denis en 1913.  Il fit ses études au Lycée Leconte de Lisle et en 1933 partit poursuivre ses études à Paris (Lycée Louis le Grand puis la faculté de droit) où il rencontra Brasillac et Drieu la Rochelle, fréquentant l’Action Française. S’étant marié il aura trois fils dont l’aîné, Jean-Pierre, deviendra un historien connu de la seconde guerre mondiale, notamment de la période de Vichy.  Quand la guerre éclata il s’engagea et se battit (1939/40) dans les troupes coloniales. Il fût même décoré pour actes de bravoure. De retour à Paris il fut « rattrapé » par ses anciennes fréquentations et ne répondit pas à l’appel de de Gaulle,  entrant à Radio-Paris (porte voix du gouvernement de Vichy).  Adhérent du parti de Doriot (PPF) il fut toutefois interné trois mois pour un article de presse hostile à Laval. A l’approche des Alliés, il partit avec les Allemands en 1944.  Admirateur de Léon Degrelle fondateur du mouvement d’extrême droite catholique « rexisme » (de Christus Rex), il intégra la division Wallonie. En Allemagne il participa à la création de « Radio Patrie » et assista au bombardement de la Ruhr et à l’écrasement du troisième Reich. Après la chute de Berlin il put passer en Suisse et de là se réfugier au fin fond de l’Argentine. A la libération il fut condamné par contumace à la prison à vie, tous ses biens confisqués.  Il survécut comme docker, garçon de café, ouvrier, etc… avant de devenir journaliste. Mais il fallut qu’il se mêle encore de politique en rejoignant le mouvement révolutionnaire bolivien de Victor PAZ ESTENSSORO ce qui lui vaudra un nouvel exil en Bolivie cette fois, avant de pouvoir regagner l’Argentine où il renonça définitivement à la politique pour devenir publiciste puis patron d’une agence publicitaire. Amnistié par le Président Pompidou en 1970, il pouvait revenir en France mais ce n’est qu’en 1978 qu’il remettra les pieds sur son île natale, après 45 ans !... D’emblée il se reconnait dans ce mouvement littéraire « créolie » lancé par Jean Albany et repris par Gilbert Aubry (futur évêque de la Réunion) dont il a entendu parler et dès lors commencera à rassembler tous ses textes écrits en exil pour les faire paraître successivement. Le premier recueil en 1979 fut « Olographe » qui le plaça  d’emblée au rang des grands poètes réunionnais. Suivirent : « d’azur à perpétuité », « le pétrolier couleur antaque », « au soleil des dodos », « Rhum blanc », « Archives en chair vive ». En 1990 il revint à la Réunion pour présenter ses œuvres au Festival du livre de l’Océan Indien. A cette occasion il reconnut publiquement s’être trompé et avoir complètement déraillé pendant l'occupation, niant toutefois avoir eu connaissance des « camps ».  Il est mort à Buenos Aires en l’an 2000.  Ses cendres ont été ramenées à la Réunion par sa famille et, selon son désir, dispersées au vent du large. 

J’aime assez la langue poétique de J.H. Azéma pour ce que j’en connais à travers quelques poèmes d’anthologie.
En voici un, extrait d’« Olographes », que j’ai pu retrouver à la médiathèque.  Douloureux cri d’exil

1 - Dans tout amour il y a une île.                 3 - Aux rideaux de la pluie appareillent                5 - ô ce vent de la Patagonie !                

Mon île vous verrai-je jamais ?                      Les galions de tapisserie.                                   ô ce froide de la Patagonie !

La terre me sera lourde ici,                            lls rhument l’arak de Mahavel                              ô ces ressacs de la Patagonie !

Elle pèsera sur mon exil                                 Puis se font brusquement caravelles.                On en meurt de la Patagonie.

Comme aux captifs les fers des bastilles      Est-ce toi qui tourne en ma cervelle                   ô Vierge je n’ai peur de mourir

Et leurs pieds aux ailes repliées.                    Regret des îles, ô Vierge Marie !                        Mais peur de la Patagonie. 


2 - Dans mon amour il y a une île                     4Tu es mon île, Vierge Marie.

Et d’étranges arbres qui distillent                     Tu es mon île de Paradis

Des fleurs aux systoles de letchis.                  Mais pour mon corps et pour que l’exil

La terre là bas est un manchy                          Dessous la terre me soit tranquille.

 Et l’exil mordoré comme une île.                       Ne me laisse pas mourir ici.

Partager cet article
Repost0

commentaires