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16 juin 2020 2 16 /06 /juin /2020 11:03

Les 25 et 26 Mai 1968 je me trouvais à Pucallpa en Amazonie péruvienne sur les bords de l'Ucayali affluent de l'Amazone. J'aurais bien voulu pousser plus à l'Est par le fleuve jusqu'à Iquitos, au cœur même de la selva, à la limite des frontières colombienne et brésilienne.  Mais, compte tenu du peu de jours qu'il me restait avant mon retour en France d'une part, ce qu'il me restait encore à voir et la fréquence des navettes fluviales Pucallpa-Iquitos (530Kms) et retour d'autre part, il me fallait impérativement rejoindre au plus vite la capitale.

Pour cela il y avait l'avion, le DC6 de la compagnie privée Fawcett qui, justement, faisait une rotation Lima-Pucallpa-Lima dans la matinée de ce Lundi 27 mai (1968).

Ce nom de Fawcett ne me rappelait jusqu'à pas longtemps que celui de l'actrice américaine Farrah Fawcett aujourd'hui décédée,  la blonde éblouissante de la série "Drôles de Dames" .

Mais, ce que j'ignorais à l'époque, c'est qu'il était aussi celui du propriétaire de cette petite compagnie aérienne péruvienne que j'avais empruntée et qui n'était autre que le petit-fils de l'explorateur anglais de l'Amazonie brésilienne Percy Fawcett. Mes recherches préparatoires à mon voyage s'étant polarisées sur le Pérou,  je n'avais pas eu l'occasion de tomber dessus.

Ce n'est donc que 52 ans plus tard, ayant regardé sur TMC le film "A la recherche de la cité perdue de Z" sorti en 2016, adapté du livre du journaliste américain David Grann  s'inspirant lui-même des aventures de Percy Fawcett,  que j'ai découvert  ce personnage hors du commun.

Mais d'autres s'en étaient inspiré comme Conan Doyle dans "Le monde perdu", comme Hergé pour le personnage de Ridgewell dans "l'Oreille cassée", dans Bob Morane, voire Indiana Jones. Il avait aussi fasciné Hemingway et T.E. Lawrence (alias Lawrence d'Arabie) car ses expéditions et sa fin mystérieuse l'avaient rendu très célèbre et le fit surnommer le "Livingstone de l'Amazone".

J'ignorais tout cela.

Percy (Perceval) Fawcett naquit le 18 Août 1867 à Torquay dans le Devonshire d'Edward Fawcett et d'Elisabeth MacDougall.  Son père semble avoir été quelqu'un d'assez insignifiant, oisif et joueur.  Il fit ses études au collège de Newton Abbot avant d'intégrer l'école militaire de Woolwick comme élève officier.  A sa sortie il fut nommé dans l'Artillerie Royale en garnison dans l'île de Ceylan où il devait rencontrer sa femme, Nina Agnès Paterson qui lui donna deux garçons, Jack né en 1903 puis Brian né en 1906, enfin une fille Johann née en 1910. 

De retour en Angleterre, il fut envoyé en mission secrète au Maroc puis fit un séjour dans l'île de Malte où il décida d'étudier la cartographie.

En 1906, la Société Royale de Géographie de Londres le contacta en vue d'établir une cartographie des frontières entre le Brésil et la Bolivie à la demande de ces deux pays qui en fait s'y disputaient l'exploitation du caoutchouc et voulaient faire appel à un britannique pour garantie de neutralité.

Sa première expédition eut lieu en 1906 (en pleine "fièvre du caoutchouc") puis, de 1906 à 1913, il participa à pas moins de six expéditions tant à des fins cartographiques que de découverte de régions encore inconnues.

C'est ainsi qu'il devait découvrir les collines de Ricardo Franco, plateau rocheux aux falaises vertigineuses. Plus tard, Arthur Conan Doyle dont il était devenu l'ami, devait en faire le théâtre de son roman fantastique "Le Monde perdu" paru en 1912.

Des rumeurs faisaient état depuis assez longtemps de mines perdues, de ruines très anciennes dont Fawcett avait eu vent et auxquelles il ne cessa de croire d'autant qu'il avait trouvé en 1904 à la Bibliothèque Nationale de Rio de Janeiro le manuscrit d'un aventurier portugais prétendant avoir découvert une très vieille cité dans la région  de la Serra do Roncador à l'Est du Mato Grosso qu'on disait habitée d'indiens Bororos et Chavantes réputés pour leur férocité, voire cannibalisme et où les premiers et seuls blancs à y être venus avaient été des prospecteurs de diamants.  

Quand la guerre 14/18 éclata, Fawcett reprit du service dans l'armée et alla combattre dans la Somme où il fut gazé. Démobilisé avec le grade de major on craignait pour ses yeux gravement atteints mais il recouvra la vue.

Après la guerre il voulut entreprendre une nouvelle expédition vers la cité perdue à laquelle il croyait et qu'il avait baptisé "Z" sur ses cartes mais la Société Royale de Géographie ne le prit pas au sérieux et lui refusa tout financement. 

Qu'à cela ne tienne, Fawcett prit la décision de démissionner de l'armée pour entreprendre cette expédition à son propre compte cherchant lui même son financement qui au demeurant s'avéra plus aisé qu'il ne croyait. Il avait associé à l'opération son fils aîné Jack et un ami de celui-ci.

Il était alors âgé de cinquante huit ans et son fils de vingt deux ans.

C'est en Avril 1925 que cette ultime expédition  quittait Cuiaba, capitale du Mato Grosso, pour la région du Haut Xingu.  Le rio Xingu est un affluent du cours inférieur de l'Amazone mesurant 2260 Kms traversant les états du Mato Grosso et du Para. Il était peu connu jusqu'à son exploration dans les années 1884-1887 par l'explorateur et ethnologue allemand Karl von den Steiner.

Leur intention était de se diriger vers l'Est et le 29 mai Fawcett faisait connaître sa position : 11°43' de latitude Sud et 54°35' de longitude Ouest. C'était l'endroit où son cheval était mort lors de son expédition de 1920 et qu'il avait baptisé Camp du Cheval mort. Il déclare qu'ils peuvent se baigner mais que les insectes, le froid de la nuit et la chaleur du jour leur fait endurer au camp un vrai martyr.  Néanmoins il conclu par ces mots (peut être trop présomptueux): " Vous n'avez à craindre aucun échec".

Ce fut là le dernier message de l'expédition.

Pendant un an, on ne s'en préoccupa pas outre mesure vu ce qu'avait déclaré Fawcett qu'il leur faudrait du temps.

Mais les rumeurs commencèrent à circuler et en 1927, Brian Fawcett, le deuxième fils de Percy qui était alors employé aux chemins de fer du Pérou (donc ancêtre du fondateur de la compagnie aérienne du même nom) reçut la visite d'un ingénieur français, Roger Courteville, qui lui affirma avoir aperçu son père vivant et en loques sur une route du Minas Gerais. On ne le crut pas.

L'année suivante, George Dyott, ancien colonel de l'armée britannique, organisa une expédition de secours, empruntant la piste théoriquement suivie par Fawcett parvenant jusqu'à un village anaqua sur le rio Kuliseu où le chef du village arborait en pendentif une plaque de cuivre ayant appartenu à Fawcett.  Celui ci reconnut l'avoir reçu de Fawcett lui-même avant que son équipe se dirige plus à l'Est. L'expédition de Dyott poursuivit sa route dans cette direction mais se heurta aux abords du rio Kiluene à la tribu des Kalopalos qui s'étant montré extrêmement hostile les contraignirent à rebrousser chemin.

D'autres expéditions de secours furent entreprises dans les années 1930 certaines se perdant corps et biens.

En 1943, le Président brésilien Getulio Vargas monta une expédition dénommé "Roncador-Xingu" pour établir des bases aériennes dans cette région.  Des responsables de cette expédition se rendirent chez les Kalopalos pour vérifier des rumeurs selon lesquelles Fawcett et son équipe auraient été massacrés par eux. Leur chef, Ixarari, affirma qu'ils avaient poursuivi leur route malgré ses avertissements et qu'ils avaient dû se faire tuer. Mais en 1950, le même Ixarari qui était sur le point de mourir affirma avoir tué lui-même Fawcett d'un coup de casse-tête pour s'être fâché avec lui. Après sa mort on demanda à voir la tombe présumée de Fawcett et on déterra ses restes qui furent transférés à Londres à l'Institut Royal d'Anthropologie pour y être examinés mais ceux-ci ne correspondaient pas du tout.

Le mystère demeurait entier, plus de vingt cinq ans après ... et le resta.

Qu'étaient devenus Percy Fawcett, son fils Jack et leurs compagnons ?

Le plus probable est qu'ils aient péris corps et biens comme ceux de certaines des expéditions lancées à leur secours dont j'ai parlé plus haut.  Comment ? Tous massacrés par des indiens ou certains de maladies ou piqûres de serpents, d'épuisement. 

Mais ... avaient-ils découvert cette fameuse cité "Z"?...

Il se pourrait que oui (d'après le film) Fawcett ayant prévenu un ami que s'il recevait un jour sa boussole ce serait le signe qu'il aurait réussi. Or celle-ci fut retrouvée.

Pendant plus de vingt ans, il avait poursuivi sa chimère au détriment de sa vie familiale et de sa santé déjà éprouvée dans les combats de la Somme.

Toute sa vie aussi il avait cherché à réhabiliter le nom de son père qui n'avait pas laissé une très bonne réputation.  En entrant dans l'armée d'abord, en s'illustrant dans la Somme à la tête d'une unité, en se faisant cartographe explorateur.

Certes il avait acquis une grande expérience de ces régions hostiles d'Amazonie, étant parvenu à prendre contact avec certaines tribus dont les informations lui étaient précieuses pour localiser sa fameuse cité Z. Une grande endurance physique également. 

Aussi certains crurent qu'il ne pouvait avoir disparu comme ça mais, devenu peut-être amnésique, il avait été recueilli par une tribu qu'il connaissait et y serait demeuré.

A noter ici, et pour conclure, qu'on fit la même supposition concernant la disparition en mer d'Alain Colas : qu'il serait parvenu sur un îlot désert en dehors de toute route maritime et, amnésique lui aussi, y aurait survécu sans pouvoir y signaler sa présence.

 

 

 

 

 

 

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