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26 février 2021 5 26 /02 /février /2021 08:51

Dans mes deux articles précédents sur l' "extraordinaire voyage de Tofua à Timor du capitaine Bligh" (1 et 2) , nous avons vu que l'épopée de la "Bounty" s'était terminée à l'île de Pitcairn où, après avoir vidé le navire de son contenu et avoir récupéré sur lui le maximum de matériaux de construction, les mutins y avaient mis le feu afin d'en effacer toute trace.

Ce faisant, c'était pour Fletcher Christian et les derniers mutins un adieu définitif à l'Angleterre. 

Ce lieu d'asile, s'il était sûr et avait tout ce qu'il fallait pour y subsister, ne fut pas pour autant un véritable paradis et nous avons évoqué la fin tragique des mutins à l'exception de John Adams, dernier survivant et seul à y avoir une tombe.

 

 

Voici donc un petit historique de cette île qui doit son nom à celui de la vigie écossaise de l'expédition de Philip CARTERET, Robert Pitcairn, qui le premier l'aperçut le 2 juillet 1767.

Isolée en plein Océan Pacifique Sud, elle se trouve à 2075 Kms à l'Ouest de l'île de Pâques et à 2182 Kms à l'Est-Sud-Est de Tahiti. 

Avec les trois autres îles d'Oeno, Henderson et Ducie qui sont des atolls coraliens, elles forment un petit archipel constituant le seul territoire britannique d'Outre-Mer dans le Pacifique. d'une superficie totale de moins de 50 KM2, ayant son drapeau, ses armoieries et son hymne local (We from Pitcairn Island).

Pitcairn est la seule à être habitée.

Essentiellement volcanique, son altitude maximale est de 330 mètres pour 5Km2 seulement de superficie.  Elle est donc extrêmement pentue et ne présente aucun abri sûr où accoster.  

Sa population actuelle est d'une cinquantaine d'habitants qui sont les descendants des mutins de la Bounty et de leurs compagnes tahitiennes. 

Elle comptait pourtant près de de 200 habitants quand, vers 1850, toute la population d'alors fut transférée par les Anglais sur l'île de Norfolk au large des côtes Est de l'Australie cette population devenue excessive pour une aussi petite île. 

Cette île volcanique de Norfolk de 35 Km2 avait abrité auparavant une colonie pénitentiaire. 

Mais quelques années plus tard quelques familles (16 personnes en tout) voulurent retourner à Pitcairn de sorte que les résidents natifs actuels de l'île Pitcairn sont tous descendants des mutins de la Bounty, euro-polynésiens donc.

 

Ces descendants de la première génération sont issus des couples suivants :

 

Fletcher CHRISTIAN avec Mauatua (qu'il renomma Suzanna)

Ned YOUNG avec Toofaiti (puis Mauatua veuve de Fletcher Christian)

John MILLS avec Vahineatua

William McCOY avec Teio

Matthew QUINTAL avec Teraura puis Tevarua

John ADAMS avec Vahineatua (veuve de John Mills) puis Teio (veuve de William McCoy)

Il y eut aussi des femmes tahitiennes "échangées" d'un mari à l'autre.

 

En septembre 2003 eut lieu la première naissance sur l'île depuis 17 ans.

 

En Juin 2004, première dans l'histoire de Pitcairn, un couple non natif de l'île vint s'y installer, Shirley mariée à Simon YOUNG devant être lui-même un descendant de  Ted Young et Toofaiti.

 

Le patronyme de CHRISTIAN le plus répandu à Pitcairn vient de McCrystyn la famille de Fletcher était originaire de l'île de Mann en mer l'Irlande.

 

Le petit fils de Fletcher, Thirsday-October CHRISTIAN II né le 1/10/1820 (mort le 27/5/1911) connu sous le surnom de Duddie (Docteur) fut premier magistrat de l'île de Pitcairn.  Il eut 17 enfants de son mariage en 1839 avec Mary Young, petite fille du mutin Ned Young, dont sept moururent en bas âge  mais trois qui vécurent passé l'âge de 73 ans. 

Tous ceux portant le nom de CHRISTIAN à Pitcairn sont des descendant de Thirsday-October II.

Les Pitcairniens (comme ceux restés dans l'île de Norfolk) ont un "parler" local (on pourrait dire un "créole") le Pitkern-Norfolk où se mêlent l'anglais (certains mots déformés à la façon dont les prononçaient les Tahitiens) à des mots ou termes tahitiens. 

Ainsi : Whata way ye ?  - How are you

About ye gwen ?  -  Where are you going ?

You gwen whihi up suppa ?  - Are you going to cook supper ?  

Wa sing yourley doing ?  -  What are you doing ?

Lebbe ! - Let it be

I se gwen ah nahweh  - I am going swimming

 

Il faut dire que sur les quelque sept milles langues parlées sur Terre, 1250, soit 18%, le sont en Australie, Nouvelle Zélande et Océanie insulaire, ces régions ne renfermant que 0,6 % de la population mondiale. 

 

 

 

J'ai évoqué cette "légende" qui courut en Angleterre d'un retour anonyme de Fletcher Christian, juste pour la petite histoire.

Mais à l'inverse il y a ce retour bien réel à l'île de Pitcairn à l'âge de 92 ans de l'arrière-arrière-arrière petit fils de celui qui avait été le premier à la découvrir étant vigie et lui avait laissé son nom : John PITCAIRN marin de la "Swallow" d'origine écossaise.

En effet, le 6 avril 2004 , son voeu de revoir "son" île avant de mourir fut exaucé, naviguant depuis l'île de Pâques sur le "World Decoverer"  depuis quatre jours avant d'arriver devant cette montagne surgie de l'océan que son ancêtre, du haut du mât de vigie,  avait été le premier à distinguer à l'horizon. 

Poser le pied sur l'île de Pitcairn n'est pas aisé, la houle étant constante. Ce sont les Pitcairnais eux-mêmes avec leurs baleinières, rompus à cet exercice, qui abordent le navire et en transportent passagers et marchandises. 

On peut imaginer la joie de ce très vieux Monsieur en posant les pieds sur cette île que la "Swallow" sur laquelle son ancêtre naviguait n'avait pu que reconnaître, sans l'aborder. 

Et de même celle, et aussi la fierté, des îliens en l'accueillant en hôte de marque dont l'ancêtre était contemporain de leur propre ancêtre à eux, Fletcher CHRISTIAN.   

 

 

 

En littérature, l'épopée de la "Bounty" a inspiré plusieurs auteurs :

 

Le premier fut Lord BYRON  avec " l'île ou Christian et ses compagnons " écrit à Gênes au début de l'année 1823.  Ce n'est qu'un poème romantique s'éloignant beaucoup de la réalité.

 

Puis il y eut Jules VERNE avec une nouvelle parue en 1879 intitulé "Les réoltés de la Bounty " en même temps que son roman "les 500 millions de la Begum ".

 

Deux auteurs américains co-écrivirent une trilogie sur la "Bounty ", Charles NORDHOFF et James Norman HALL. D'abord "Mutiny on the Bounty " paru en 1932, "Men against the sea " paru en 1934 et " Pitcairn's island " paru en également en 1934.

 

En 1962 parut "l'île " de Robert MERLE.

 

En 1974, ce fut "Captain Bligh and Mr. Christian  - the men and the mutiny " de Richard HOUGH

 

 

Beaucoup plus récemment, en 2010, est parue une étude intéressante sur le Capitaine Bligh par Paula CAVANAGH dans la "Naval Historical Review ".

 

Elle passe en revue et analyse les différentes causes possibles de la mutinerie.  Et il en est de surprenantes telle celle avancée par Richard HOUGH (auteur déjà cité) que Bligh et Christian auraient été amants et que ce serait suite à une rupture de la part de Christian  que Bligh de dépit se serait conduit de façon tyrannique vis à vis de lui et de l'équipage les poussant ainsi à la révolte. Je cite celà pour ce que ça vaut, comme l'a fait d'ailleurs Paula Cavanagh,  mais personnellement je n'y crois pas. 

Mieux vaut retenir l'interprétation alternative de Paula Cavanagh se résumant à ceci :

- C'est un fait que la mutinerie de la Bounty fut "spontanée, peu préparée et chaotique" (sic)

- Autre fait établi : aucun des officiers hormis Christian ne chercha à s'opposer à la mutinerie.  Si l'un d'eux l'avait fait ouvertement et fermement il est fort possible que la situation ait basculé en faveur de la loyauté au capitaine Bligh.  Sur un équipage de 43, il ne s'est trouvé finalement que seize vrais mutins. Et puis il ne semble pas non plus que Christian ait eu l'étoffe d'un vrai meneur dans l'histoire.  

- Bligh fit une grosse erreur en laissant s'installer le relâchement de la discipline à Tahiti, y compris chez les officiers, de sorte qu'il ne put rétablir rapidement son autorité à bord.  L'équipage ayant pris goût à terre à la vie oisive et lascive des îliens ne souhaitait guère repartir.  Bligh dans son journal évoque celà comme cause de la révolte mais il aurait dû y penser avant et agir en conséquence.   

Ce mécontentement de l'équipage ne se manifesta sans doute pas trop  au début mais dut prendre prétexte du moindre incident pour grossir.  Or Bligh était connu pour être intraitable sur la discipline à bord mais sans pour autant que sa façon d'agir vis à vis de ses subordonnés soit considérée à l'époque comme inappropriée.

- Il semble aussi que Christian fut particulièrement sensible aux critiques personnelles que Bligh lui adressa (alors qu'il était censé connaitre l'humeur de son commandant ayant déjà navigué avec lui avant la Bounty, il l'aurait donc poussé à bout).

- En conclusion,  Paula Cavanagh estime qu'il y eut un certain nombre de facteurs ayant perturbé le voyage retour et provoqué la mutinerie et que celle-ci, finalement, fut provoquée davantage par une succession de faits mesquins que par l'action d'un seul homme.  

Ce qui semble certain aussi c'est que tous les torts n'étaient pas à mettre sur le compte de Bligh.  Plutôt que le "stéréotype tyrannique" (sic) qu'on a souvent présenté, c'est son incapacité à rétablir la discipline dans l'équipage en même temps que son autorité de commandant qui contribua à la mutinerie alors qu'il n'aurait pas dû en fait leur lâcher la bride durant l'escale tahitienne

Mais (et c'est moi qui rajoute) il faut reconnaître que la chose n'était pas aisée, était-elle même possible ?...  Comment "tenir" l'équipage à bord sur une si longue période et à proximité de ce paradis ?...  

  

 

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